Monsieur le Recteur,

Mesdames, messieurs les membres de la CAPA

Cette première commission de l’année 2019 se réunit pour l’installation de la CAPA CPE de Poitiers et le vote des représentants aux commissions départementales de réforme. Elle fait suite aux élections professionnelles. Le SNES-FSU reste le syndicat majoritaire dans les CAPA du second degré de l’académie en voix et en sièges. Ces résultats vont nous permettre de poursuivre nos actions de défense des personnels, du service public d’éducation, dans le respect des textes réglementaires et avec le souci de l’équité.

Le processus électoral s’est déroulé dans des conditions particulièrement difficiles avec de graves dysfonctionnements. Les collègues ne se sont pas pour autant découragés et la participation est en hausse (+2,8% ) montrant ainsi l’attachement des personnels au paritarisme, n’en déplaise au ministre et au gouvernement.

Ces élections laissent néanmoins un goût amer pour ce qui nous concerne. Au printemps dernier, le Conseil d’Etat a effectué une lecture nouvelle de l’article 10 de la loi de 1984, considérant que les CPE ne pouvaient plus déroger au statut de la Fonction Publique contrairement aux usages. Cette nouvelle lecture est lourde de conséquences : chute du nombre d’élus dans les CAP tant au niveau académique que national, modification des règles de mouvements envisagée. Elle met fin à un alignement historique des instances de gestion des personnels d’enseignement, d’éducation et de psychologie, qui a permis tant d’avancées conjointes à tous les corps.

Face à la gravité de l’attaque, le SNES-FSU a pris l’initiative d’une pétition intersyndicale exigeant l’accès du corps des CPE à un régime dérogatoire au statut général de la fonction publique, la future loi sur l’éducation prévue en janvier 2019 offrant cette opportunité. Lors du Conseil Supérieur de l’Education (CSE) du lundi 15 octobre 2018, l’administration propose dans l’article 15 du projet de loi « pour une école de confiance » que les CPE puissent déroger au droit commun quant aux besoins propres à la gestion du corps. Le SNES-FSU a proposé un amendement à cet article afin de consolider le caractère dérogatoire, d’une part, en ne se limitant pas à la gestion mais aussi aux missions à l’instar des corps enseignants et, d’autre part, en reprenant l’alinéa 3 de l’article 10 de la loi de 1984 qui permet de sécuriser les opérations de mouvements. Suite aux multiples interventions du SNES-FSU, les CPE devraient bénéficier du statut dérogatoire. Nous déplorons cependant qu’il faille attendre quatre ans pour en voir l’application en ce qui concerne la composition des CAPA et CAPN. Le Ministère a rendu son arbitrage : les règles du mouvement des personnels d’éducation seront bien identiques à celles des enseignants.

Que d’énergie dépensée inutilement !

Nous ne nous étendrons pas davantage sur l’examen de ce projet de loi : texte communiqué une semaine à peine avant son examen en CSE et comprenant toute une série de sujets qui auraient nécessité des discussions spécifiques et plus approfondies en amont ; texte visant à transformer en profondeur le système éducatif sur des points importants : la formation des personnels, l’évaluation du système éducatif, le cadre des expérimentations, la modification du statut des AED, la réforme territoriale (renvoyée aux ordonnances)…

En revanche, nous dénonçons la caricature du dialogue social affichée lors du CSE et du CTM des 18 et 19 décembre 2018. La réforme du lycée est mise en place à marche forcée sans tenir aucun compte des observations des représentants des personnels. Le Projet de Loi de Finances impose la suppression de 2 450 postes dans le second degré, alors que le Ministère affiche la perte de « seulement » 365 postes. Cette manipulation scandaleuse des chiffres s’explique par une explosion des heures supplémentaires (équivalente à 2 085 emplois). Elle vise simplement à masquer la réalité, celle d’un sacrifice du second degré alors même que les effectifs d’élèves augmentent, celle d’une dégradation des taux d’encadrement. L’éducation prioritaire n’est pas épargnée. Les académies qui concentrent des difficultés sociales très importantes en métropole comme dans les DOM perdent beaucoup de moyens. Les personnels administratifs ne sont pas mieux lotis et verront leur charge de travail augmentée, leurs conditions de travail dégradées, leur fonctionnement lourdement affaibli.

En ce qui concerne le corps des CPE, cela se traduit par exemple par une nouvelle baisse du nombre de postes offerts au concours externe CPE (-60 postes en deux ans) et la suppression du concours réservé malgré les besoins dans l’encadrement éducatif. Le manque de titulaires persiste, le vivier de titulaires remplaçants reste exsangue et le recours aux contractuels explose. C’est dire que la mise en place d’un « pré-recrutement », annoncé par le Ministre est salutaire. Mais en fait de pré-recrutements, M. BLANQUER entend transformer le statut de certains AED pour pouvoir leur donner des tâches pédagogiques voire assurer des remplacements de professeurs. Outre le fait qu’il risque d’amputer les vies scolaires de moyens de surveillance, ce dispositif est mauvais à double titre : pour les étudiants qui auront toujours à jongler entre établissement et formation, pour les élèves qui ont besoin d’enseignants formés. Pour améliorer le taux de réussite des AED aux concours externes, il faut les libérer du travail en établissement et leur permettre de suivre assidûment leur formation universitaire. Pour cette raison, le SNES-FSU continue de réclamer l’augmentation des bourses pour les étudiants et de véritables pré-recrutements qui permettraient à des « élèves-professeurs » de se consacrer pleinement à leur formation, ce statut garantissant salaire et cotisations retraite contre l’engagement ensuite à servir l’Etat plusieurs années après le concours.

Enfin, nous ne pouvons clore notre déclaration sans rappeler les conditions travail dégradées des personnels d’éducation. Trop de CPE ont des effectifs d’élèves à suivre incompatibles avec un exercice serein de leurs missions. Cette situation est source de souffrance au travail. Le SNES-FSU demande un CPE par établissement et par tranche de 250 élèves. L’application de la circulaire de missions est encore confrontée à bien des résistances institutionnelles : faire respecter ses avancées est une bataille d’actualité. Le SNES-FSU a dénoncé le faible accompagnement institutionnel du texte de 2015 et en porte une lecture offensive. Là où la reconnaissance du métier est en place, elle a permis de conforter bien des CPE dans leurs pratiques et le respect de leur statut malgré les dérives néo-managériales fréquemment constatées. En ce qui concerne les « rendez-vous de carrière », le cadrage national et la double évaluation sont certes des avancées mais la création d’une agrégation d’éducation et d’un corps d’inspection spécifique, issu de celui des CPE, restent des revendications. Le SNES-FSU réaffirme le souhait d’inspections plus ancrées dans les réalités de terrain des CPE et prenant en compte la variété et la richesse du travail éducatif.

Certes le propos est long mais le contexte de crise sociale aiguë le rend nécessaire. Tout au long de notre mandat nous continuerons à nous battre pour des services publics plus forts, pour plus de justice sociale, pour une réelle ambition pour l’école. Quel crédit apporter alors au soutien affiché par le ministre ? Repensons aux images de l’arrestation des lycéens de Mantes la Jolie : il faudra des années pour faire retrouver à certains élèves la confiance dans nos institutions. Par ailleurs et tout en ayant bien à l’esprit que des personnes vivent en France aujourd’hui dans des conditions bien plus indécentes, quelle dignité dans le salaire versé à un jeune collègue après tant d’années d’études ? Il est urgent de revoir la rémunération des CPE par une revalorisation immédiate du point d’indice, en aucun cas par des mesures ponctuelles, individuelles qui s’apparenteraient à une rémunération au mérite dont nous avons si souvent pu montrer les limites, au sein de cette CAPA, à l’occasion des promotions de grades ou pour l’accès à la liste d’aptitude.

Plus localement, nous formulons l’espoir de conditions de matérielles d’exercice de notre mandat qui soient plus respectueuses des délais, de l’exigence de transparence, l’espoir d’un dialogue social restauré dans l’intérêt des collègues que nous représentons.