Annoncé en 2018 comme une pierre angulaire du nouveau baccalauréat, le Grand Oral voulu par Pierre Mathiot et Jean-Michel Blanquer devrait connaître sa première session en juin 2021. Alors que les notes de service précisant le déroulement de l’épreuve sont parues seulement en février 2020, les « précisions » apportées dans les formations et documents destinés aux enseignant·es depuis la rentrée 2020 présagent le pire quant aux finalités et attendus de cette épreuve. Quant aux conséquences de la crise sanitaire sur la préparation de l’examen, elles ne sont même pas un sujet pour le Ministère.

14 février 2021

L’année scolaire 2020-2021 aurait dû voir mises en place en terminale les dernières nouveautés liées à la réforme du lycée. Mais elle se trouve fortement perturbée par la crise sanitaire. Le Ministère a fini par en prendre acte en tranchant en faveur du choix du contrôle continu pour remplacer les épreuves de spécialité initialement prévues en mars. Ce choix consiste, du point de vue du SNES-FSU, à se débarrasser d’un problème en en créant un autre : le contrôle continu est profondément inégalitaire (lire notre article). Et quel sens doit-on donner au maintien de l’épreuve du Grand oral (GO), alors qu’il s’agit justement de la plus grande nouveauté du baccalauréat voulu par J.-M. Blanquer ? Une nouveauté pour laquelle les enseignant·es ont commencé tout juste à être « formé·es » (on verra plus loin de quelles manières…) à partir de la rentrée 2020 ?

« Cette épreuve terminale est un message à tout le système éducatif »

(J-C Ringard, IGESR, AEF Info, 10 décembre 2020)

Dans une interview à l’agence AEF Info le 10 décembre 2020, Jean-Charles Ringard, IGÉSR (Inspecteur Général de l’Éducation, du Sport et de la Recherche) et co-pilote du comité de suivi de la réforme du lycée et du baccalauréat, le justifiait ainsi : « le Grand oral est une des innovations du bac 2021 et qui contribue à préparer à la réussite des élèves sur des compétences utiles dans le monde d’aujourd’hui ». « Cette épreuve terminale est un message à tout le système éducatif » ajoutait-il. Reconnaissant que le contexte, pouvant « entraîner un présentiel dégradé », était susceptible de contrarier la préparation à l’oral, il expliquait que le temps ne manquait cependant pas, d’ici au mois de juin, pour se consacrer à cette préparation. Et bien entendu, il soulignait qu’il y avait eu « un gros effort de préparation des enseignants dès avril 2020 [sic], à deux niveaux. Le niveau national, avec la mise en œuvre de formations de formateurs, de parcours magistère sous forme d’autoformations, la mise à disposition de moult ressources, dont des foires aux questions, et, début janvier [2021] encore, discipline par discipline, des ressources conséquentes préparées par l’IGÉSR. »

Que nous apprennent donc ces supports de formations, ces nombreuses ressources, sur le sens d’un Grand oral auquel le Ministre semble tout particulièrement attaché ?

Former les enseignant·es ou les formater ?

De nombreux supports et outils pour expliquer la nouveauté du Grand Oral ont été élaborés à l’échelle académique. Dans le contexte de la crise sanitaire, les formations ont le plus souvent consisté en la diffusion de ces supports (foires aux questions, diaporamas…), y compris lors de réunions en visioconférence. Ce type de « formation » n’encourage évidemment pas à poser les questions qui fâchent aux hiérarchies intermédiaires et aux formateurs et formatrices chargé·es de porter la bonne parole. La plupart des collègues quittent ces réunions au mieux démuni·es pour aider concrètement leurs élèves, au pire complètement découragé·es. Le plus souvent, ils et elles finissent par être convaincu·es que ce qui aura été étudié lors des cours de spécialités importera peu, et qu’avec la préparation de cette épreuve, leur métier perd encore un peu plus de son sens.

Une forte influence du « spécialiste » Cyril Delhay.

Dès la publication du rapport commandé par J.-M. Blanquer à Cyril Delhay en 2019 (un an tout de même après le texte réglementaire créant la nouvelle épreuve !), il était manifeste que la mise en place du GO était vue comme un moyen de piloter tout l’enseignement de l’oral dans le système scolaire, depuis l’école maternelle. M. Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences-Po, s’appesantissait sur la question de la formation, avec des préconisations très précises. Par exemple, un collège de cinq experts devait suffire à désigner les formateurs de formateurs dans toutes les académies : pour ces derniers, on rechercherait des « profils aguerris de personnalités ayant une expérience à l’échelle nationale et internationale, soit de la scène, soit de l’enseignement de la parole et de la voix ». Dans les établissements il faudrait ensuite des « référents » volontaires pour coordonner les projets en matière d’oral. Les choses étant bien faites, on trouve sur le site personnel de l’inspirateur du Grand oral l’information suivante : « Directeur de Cyril Delhay Conseil, j’anime des formations sur le développement et l’affermissement du charisme à l’oral pour les dirigeants et les cadres des entreprises, des collectivités territoriales et des institutions.«

Peu de textes officiels, et des ressources qui ajoutent à la confusion.

Les notes de service précisant le déroulement du Grand oral n’ont donc été publiées qu’en février 2020, tandis que la place de cette épreuve dans la nouvelle architecture du baccalauréat était connue depuis juillet 2018. Elles demeurent à ce jour le seul texte officiel qui donne un cadre réglementaire à cette épreuve d’examen coefficient 10 en série générale et 14 en série technologique (sur 100). Le Ministère a publié tardivement des documents censés éclairer des points qui restaient obscurs pour les enseignant·es, a fortiori pour leurs élèves de Terminale. Il s’agit essentiellement d’une Foire aux questions (FAQ), et d’une note de l’Inspection générale précisant comment le Grand Oral peut s’articuler aux enseignements de spécialité.

La modification de la FAQ disponible sur le site Eduscol au mois de janvier 2021 est révélatrice de la navigation à vue du Ministère et des impasses de l’épreuve telle que définie par les notes de service. Par exemple, depuis la publication de ces dernières il y a un an, on s’interroge sur le sens d’un oral dans lequel il est interdit d’utiliser les notes élaborées pendant le temps de préparation. Ce point du règlement de l’épreuve vient contredire toutes les démarches engagées avec les élèves au long de leur scolarité (oral du brevet, oraux de langues vivantes et de français…) pour apprendre à se servir d’un brouillon, à utiliser pertinemment ses notes, à concevoir un support pour un exposé… « Le candidat dispose de 20 minutes de préparation pour mettre en ordre ses idées et réaliser, s’il le souhaite, un support qu’il remettra au jury sur une feuille qui lui est fournie. Ce support ne fait pas l’objet d’une évaluation. L’exposé du candidat se fait sans note. » La foire aux questions, cependant, hors de tout cadre réglementaire, précise que lors du deuxième temps de l’épreuve, « le candidat peut par ailleurs recourir à un support pour éclairer ses réponses aux questions du jury, » et peut aussi utiliser du matériel à disposition dans la salle.

Il semble donc manifeste que l’absence de support pour l’oral pose des vrais problèmes pour évaluer certains types de connaissances ou certaines capacités argumentatives. Mais la Foire aux questions a semé la confusion et a amené certaines Inspections à devoir rappeler que parler sans notes et sans support serait bel et bien la règle pendant les deuxième et troisième parties du GO. Pour la partie entretien, les préconisations de la FAQ s’inscrivent dans les interstices, les non-dits du texte réglementaire.

Faire croire que le fond compte, quand tout est fait pour privilégier la forme.

Lors de la publication des notes de service en février 2020, la communication ministérielle déroulait tout un argumentaire autour de l’innovation pédagogique que constituait une épreuve centrée sur l’art oratoire. La grille d’évaluation figurant en annexe marginalise en effet argumentation et connaissances par rapport aux trois items portant uniquement sur des aspects formels. Le caractère « indicatif » de cette grille ne trompe personne, surtout lorsqu’on lit les précisions de la FAQ ministérielle : « La grille d’évaluation, bien qu’indicative, permet de définir les attendus communs de l’épreuve. Elle pourra également faire l’objet d’un travail d’appropriation, en académie et par discipline. » Il n’est donc pas question de s’éloigner de ce document pour, par exemple, donner plus d’importance au fond qu’à la forme.

Plus grave encore, alors que le SNES-FSU souligne, avec d’autres, à quel point ce format d’épreuve orale risque d’accentuer les inégalités sociales et de genre face à l’évaluation, la grille elle-même est présentée comme un outil de lutte contre les inégalités. Par exemple, par J.-P. Ringard dans l’interview déjà citée : « Cette grille permet aux jurys d’avoir un outil commun sur l’ensemble du territoire et elle guide aussi la conception de toutes les formations des enseignants. Ces derniers savent sur quoi les élèves seront évalués et donc sur quoi il faut les préparer. Lorsque l’élève se présente devant le jury, par nature d’épreuve et par obligation institutionnelle, il y a une égalité des élèves. Les évaluateurs doivent évaluer objectivement tous les élèves, selon les mêmes critères. C’est donc en amont de l’épreuve et particulièrement par la préparation faite par les enseignants, qu’il doit y avoir contribution à la réduction des inégalités. » On appréciera la méthode (culpabilisation et soupçon mêlés) qui consiste à rendre les enseignant·es responsables des inégalités. Il suffirait donc de bien mettre en œuvre une préparation pour laquelle aucun moyen horaire n’a été prévu (pour avoir des groupes en effectifs réduits, par exemple), le tout avec, souvent, un emploi du temps perturbé par la crise sanitaire. Ainsi s’enferme dans une réalité alternative un représentant de l’institution qui nie le caractère intrinsèquement inégalitaire de ce format-ci d’épreuve orale.

En effet, à la lecture de ces textes réglementaires, il semble plus important d’évaluer ce qui n’est pas du domaine des apprentissages scolaires : il s’agit d’abord d’apprendre à faire bonne impression !

C’est pourquoi le document publié par l’Inspection Générale en janvier 2021, s’efforçant de démontrer que les apprentissages effectués en enseignements de spécialité seront décisifs pour le Grand oral, semble surtout destiné à faire illusion. Il tente de faire comme si la nouvelle épreuve allait permettre d’articuler apprentissages et évaluation des acquis. Comme si la préparation des élèves n’était pas dépendante des conditions d’enseignement, en particulier cette année avec les conséquences de la crise sanitaire. Comme s’il n’y avait pas un problème fondamental de cohérence entre les programmes et l’évaluation, notamment en technologie (disparition du projet…)

Accompagner les élèves et les coacher plutôt qu’enseigner

Tous les documents que nous avons déjà cités insistent sur la dimension d’engagement des élèves dans la préparation du Grand oral. Ils soulignent dans le même temps le rôle d’accompagnement des enseignant·es. Il est ainsi déconseillé de fournir aux élèves des listes de questions potentielles à présenter. On ne prépare pas sa classe à cette épreuve, on accompagne la « maturation » individuelle de chaque élève, comme si notre métier était devenu celui d’un précepteur, voire d’un coach.

S’adresser à des « non spécialistes »

« Le savoir de l’élève doit en effet prendre forme à partir d’une question singulière et personnelle, pour laquelle l’enseignant est en position d’accompagner le travail de recherche et de problématisation mené par l’élève et non de le définir. Le choix de la question gagne ainsi à être laissé à l’initiative de l’élève pour qu’elle lui soit personnelle, favorise son engagement et le rende plus convaincant lors de sa présentation, le professeur accompagnant le travail d’élaboration et de libellé des questions » (document de l’IGESR, souligné par nous)

Il est ainsi demandé au enseignant·es de prendre leurs distances avec leur expertise professionnelle, afin de ne pas avoir une mauvaise influence sur des élèves à qui ils pourraient imposer des questionnements… C’est méconnaître tout ce que l’expérience des travaux personnels encadrés a montré de la difficulté des élèves à trouver leur objet d’étude et à libeller leur problématique. Alors que ces mêmes TPE s’effectuaient en groupe, avec un temps de préparation spécifique dans l’emploi du temps, pendant six mois.

Dans le même temps, il est conseillé aux élèves de ne pas oublier que leur jury pourra comporter au moins une personne qui ne connaîtra pas la question. En effet, les notes de service prévoient que seul un des deux membres du jury enseigne l’une des deux spécialités du candidat ou de la candidate. Cette absurdité est transformée en une espèce de défi supplémentaire (comme si toutes les conditions de cet oral inédit n’étaient pas suffisamment contraignantes). Il faut « pouvoir parler à un non-spécialiste de ce que l’on sait et de ce sur quoi l’on a réfléchi, sans se réfugier dans un jargon qui escamote certains arguments, et pour autant sans s’affranchir des exigences de rigueur et de précision d’un discours bien informé. » (document IGESR) Ainsi, comble de l’absurde, « Dans le cas d’une question liée à l’enseignement de spécialité LLCER, les parties en langue de la spécialité doivent être limitées pour lui permettre d’intervenir dans les échanges » (FAQ). Comment, dans ces conditions, prendre au sérieux l’affirmation de l’IGESR selon laquelle « le Grand oral mobilise pleinement les savoirs mis en jeu par les enseignements auxquels il s’adosse » ? Comment ne pas nous sentir incapables, en tant qu’enseignant·es, de donner du sens à cette épreuve aux yeux de nos élèves ?

« Vendre » son projet d’orientation

La FAQ envisage que la troisième partie du Grand Oral consacrée à l’exposé du projet d’orientation soit travaillée dans le cadre des « heures d’accompagnement au choix de l’orientation » qui ne sont pas financées dans les dotations des lycées. De fait, dans beaucoup d’établissements, ces heures n’existent tout simplement pas dans l’emploi du temps des élèves.

Il s’agit donc pour les enseignant·es de faire un travail qui ne relève pas de leurs compétences professionnelles en utilisant des heures qui n’existent pas dans l’emploi du temps des élèves. Le tout pour « accompagner » la préparation à une troisième partie du Grand oral aux objectifs douteux (lire notre article)

Qu’adviendra-t-il d’ailleurs de toute cette préparation lorsque les candidat·es se présenteront à l’examen en ayant déjà connaissance des premiers résultats (éventuellement négatifs) de Parcoursup ? Cette période de l’année scolaire étant déjà particulièrement difficile psychologiquement, il faudra en plus adapter la présentation prévue pour le Grand Oral. Comment « vendre » un projet rendu possiblement caduc ? Tout le professionnalisme et l’expérience des professeurs principaux de terminale dans l’accompagnement de leurs élèves risquent bien de ne pas être suffisants. Et l’inquiétude pour les résultats de Parcoursup mobilisera attention et énergie, au détriment d’un examen dont on répète pourtant qu’il demande un grand « engagement ».

Une inflation de tutos et de coaching

Face à l’absence de préparation sur des horaires fléchés en tant que tels dans les emplois du temps, les conseils et guides pratiques à destination des élèves se sont multipliés. Ils valident ainsi l’idée que « l’accompagnement » ne peut pas avoir lieu dans le cadre de la classe. Il s’agit de préférence de suivre individuellement les conseils de coaches en « art oratoire » plutôt que d’attendre une formation de la part de professeur·es dérouté·es par le nouvel exercice. Évidemment, il n’est pas nouveau que les éditeurs scolaires ou les cours privés profitent ainsi de l’inquiétude des familles et du flou des instructions officielles quand une nouveauté est introduite dans le système éducatif. Et puisqu’il existe sur les plateformes de vidéos en ligne depuis des années des « tutos » pour apprendre à faire à peu près tout, on peut comprendre que le baccalauréat ait les siens… On remarquera toutefois que le premier à profiter éditorialement de la création du Grand Oral est encore Cyril Delhay lui-même.

Une ressource officielle : les vidéos Lumni

A côté de ces initiatives privées, un ensemble de 10 vidéos appelées « Les petits tutos du Grand oral » a été mis en ligne sur la plateforme Lumni en septembre 2020. Elles se présentent comme des conseils donnés aux élèves préparant le Grand oral par « une grande sœur attentionnée et bienveillante ». On les retrouve donc sur le site ministériel « Quand je passe le bac » comme ressource pour « approfondir » à la suite de la Foire aux questions. C’est France Télévision qui les a produites en partenariat officiel avec Canopé et le Clemi, organismes publics. Ces vidéos à l’apparence très soignée ont nécessité la mobilisation de pas moins de 20 personnes créditées au générique – dont un studio de production et une « actrice et coach » professionnelle. De tels moyens posent la question du coût pour le Ministère d’une opération qui aurait pu se faire avec des enseignant·es.

Un bel exercice de communication

Ces 10 vidéos portent exclusivement sur les techniques oratoires, laissant dans un angle mort la question (que l’on imaginait importante) du contenu de l’oral. Il est impossible d’y trouver la moindre prise en compte des conditions concrètes de préparation du Grand oral, dans le cadre collectif et contraint d’une salle de classe, en cours de spécialités (ce terme n’y apparaît pas une fois).

Il n’y est donc question que de forme et de performance, dans tous les sens du terme. En effet, l’actrice mise en scène propose implicitement, par son jeu, une sorte de modèle pour les élèves. Or ce soi-disant modèle pose question.

En effet, ces vidéos sont calquées sur les standards de la communication Youtube : format court (2 minutes à peine), petite blague introductive, tutoiement et ton enjoué, oratrice qui se dédouble pour créer un effet de dialogue, phrases simples ou hachées dans une succession de plans très courts (la très grande majorité d’une durée inférieure à 3 secondes).

Des vidéos qui nous prennent pour des truffes

Sous couvert d’humour, ces vidéos laissent transparaître un vrai mépris. Pour les professeurs tout d’abord. On voit ainsi l’actrice conseiller à un élève fictif : « humanise ton jury, dis-toi que tu as en face de toi des gens normaux, pas juste des profs » (sic) et d’ajouter : « Parle leur comme tu le ferais avec des personnes en qui tu as confiance et dont l’opinion t’importe. »

Mais le mépris envers les élèves est encore plus évident. Parce que le « public cible » est adolescent, il conviendrait de parler leur supposé langage, caricaturé jusqu’au malaise. Comme dans une mise en abyme un peu vertigineuse, l’actrice rappelle à son auditoire lycéen : « Tu t’adresses à des personnes qui sont d’une autre génération, qui ont d’autres codes. » Un peu teubés les élèves, n’est-ce pas ?

Des conseils pertinents ?

Des conseils, ne le nions pas, il y en a de nombreux. Après tout, l’actrice et coach est une professionnelle de la parole. Elle nous avertit humblement « avec les conseils que je te donne tu vas a-ssu-rer ! ».

Fais voyager le jury dans ton monde à toi

Les petits tutos du Grand oral, Lumni

A regarder de près ce qu’elle préconise, on y trouve :

– une bonne série de truismes qui ne font de mal à personne « il faut structurer ton propos« , « c’est toujours un peu la classe de citer Victor Hugo ou Marie Curie« , « les silences quand c’est bien fait, ça peut être franchement stylé« .

– des conseils de coaching parfois cryptiques : « accepte ton stress comme un allié« , « profite de ta singularité pour sculpter des idées personnelles« , « sens les mots qui te traversent« , « fais voyager le jury dans ton monde à toi« , « tu peux assumer d’être ouvert à l’avenir et à tous les possibles qui t’attendent« , ou encore « sois à la hauteur de tes rêves et de tes envies » (un conseil pas du tout paralysant).

– des encouragements par la dédramatisation qui laissent perplexe : « c’est pas facile, mais ça vaut la peine d’essayer« , « tu rougis, et alors, tu bégayes et alors, tu bafouilles, et alors ?« , « Tu es trop timide et tu parles trop bas ? (…) alors assume ce que tu dis et tâche de garder un volume sonore identique« , « Tu parles trop fort ? Ça vraiment c’est pas possible !« . « Tu manques de souffle ? [La solution], c’est simplement ne pas y penser, il suffit d’intégrer ton souffle au rythme de ton discours.«

– des considérations scientifiques sourcées : « la communication non verbale, c’est 50 % de l’oral » ; un conseil pour savoir « quelle forme de mémoire tu as » dont on « trouvera des exemples sur internet » ou encore une approche modeste des neurosciences : « ton cerveau sait exactement le volume sonore nécessaire.«

Mépris des élèves et des enseignant·es, fond mal maîtrisé et volontiers contradictoire, forme qui relève de l’articulation grossière de trucs publicitaires… Nous sommes loin de ce que devraient être des conseils à des élèves préparant un oral du baccalauréat, mais très proches hélas de la communication habituelle de Jean-Michel Blanquer

Le Grand oral, révolution pédagogique ou totem idéologique ?

On peut sans doute analyser le fait que le Grand Oral ait été maintenu (pour le moment) en dépit des conditions chaotiques de cette année scolaire 2020-2021 comme une énième preuve de l’entêtement idéologique du Ministre. Il s’agit de la nouveauté la moins bien préparée et la moins bien définie de toute la réforme du baccalauréat, un véritable objet d’évaluation non identifié. Mais, après les reculs stratégiques sur les évaluations communes puis sur les épreuves de spécialités, il faut à tout prix sauver les apparences et faire la démonstration que les réformes du lycée et du baccalauréat s’appliquent et révolutionnent les pratiques des enseignant·es. Jean-Michel Blanquer ne doit pas non plus avoir l’air d’accéder à la demande unanime des organisations syndicales, dont le SNES-FSU, d’annuler pour le Grand oral pour la session 2021. Sur ce sujet comme sur d’autres, l’important n’est pas que les élèves et les professeur·es soient « prêts », mais de le faire croire. Sur ce point comme sur d’autres, ce sont les personnels, les lycéennes et les lycéens qui font les frais du déni de réalité du Ministre. C’est pourquoi le SNES-FSU continuera de dénoncer cette mascarade.