Le ministre Luc Châtel a annoncé, le jeudi 19 novembre, les principales mesures de la réforme des lycées qu’il souhaite mettre en application dès la rentrée 2010, alors qu’aucune véritable négociation n’a eu lieu avec les organisations syndicales. Celle-ci soulève de nombreuses inquiétudes auprès des personnels du lycée : Cette réforme est d’abord liée à une politique budgétaire : Après 45000 postes supprimés en 6 ans ce sont encore 16 000 suppressions qui sont annoncées à la rentrée prochaine. Dans un premier temps, le rectorat a géré la pénurie en augmentant le nombre d’élèves par classes, et en cherchant à accroître la flexibilité du travail des enseignants : les postes sur plusieurs établissements se sont multipliés, les titulaires sur zone de remplacement (TZR) ont été sommés d’accepter des postes de plus en plus loin de leur établissement de rattachement (parfois à l’autre bout de l’académie), certains d’entre eux ayant même été nommés en dehors de leur discipline ! Cette gestion a eu pour conséquences de dégrader fortement les conditions de travail des enseignants, et donc la qualité de leur enseignement, mais elle a permis d’entretenir l’illusion que la baisse des effectifs n’avait pas de conséquences graves sur le fonctionnement des lycées. Aujourd’hui, il n’est plus possible de nier l’évidence. Dans de nombreuses disciplines, il n’y a plus aucun titulaire sur zone de remplacement, chacun d’eux ayant été affecté à l’année sur des établissements où l’on manquait de professeurs. Dans plusieurs disciplines, à la rentrée, les TZR n’étaient même pas assez nombreux pour pourvoir tous les postes, si bien que de nombreuses classes ont dû attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant que le rectorat ne trouve une solution. Celui-ci a donc fait appel à des vacataires et contractuels, recrutés par petites annonces (voir le site de l’ANPE pour s’en convaincre), et placés devant les élèves sans la moindre formation, pour pallier les insuffisances de recrutement. Mais dans les disciplines les plus déficitaires, il n’est même plus possible de trouver des vacataires dans l’académie. C’est ainsi qu’au lycée Audouin-Dubreuil, pour remplacer une enseignante en mathématiques, le rectorat est allé chercher un contractuel dans l’académie de Créteil ! Avec 16 000 suppressions de plus l’année prochaine, ce genre de situation ne manquera pas de se développer. Cette réforme a en partie pour objectif d’économiser des postes pour mieux gérer la pénurie : En seconde, c’est la perte d’une ½ heure de Français, d’Histoire-géographie, de sciences physiques et de SVT. C’est aussi la diminution horaire des « enseignements d’exploration » (passage de 3h hebdomadaires/an à 1h30 hebdomadaire /an : -50 %).
En cycle terminal, c’est la diminution horaire d’un grand nombre d’enseignements. Par exemple, les spécialités de première en série ES et en série L sont tout simplement supprimées ! L’histoire-géographie devient optionnelle en terminale S. C’est aussi moins de langues vivantes en série L, moins de SES en série ES et moins d’enseignements scientifiques en série S, etc…
« décloisonnement des cours » en classe de première pour pouvoir regrouper des élèves de séries différentes, de façon à constituer des groupes de 35 (ou plus ?). Finies les classes de première L, S ou ES à moins de 30 élèves. Ce seul exemple suffit à montrer le peu d’intérêt du gouvernement pour les questions pédagogiques. Peu importe que les enseignants n’aient plus la possibilité de différencier leur pédagogie pour aider les élèves en difficulté (comment le faire avec un groupe de 35 élèves ?).
Cette réforme, sous couvert d’autonomie des établissements, met fin à la définition nationale des horaires disciplinaires. C’est sans doute l’un des dangers majeurs de la réforme. Jusqu’à présent, les horaires de chaque discipline étaient définis nationalement. Désormais, les dédoublements des classes seront gérés au niveau local. Une enveloppe globale sera confiée à chaque établissement, et le choix des matières à dédoubler (pour les TD, les TP…) relèvera du conseil pédagogique de l’établissement. Cette mise en concurrence directe des disciplines est inacceptable. D’autant que tout porte à croire que cette enveloppe pourra être réduite au fil des années, de façon à pouvoir respecter l’objectif du non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. L’imposition d’une réforme sans réelle concertation, de manière précipitée et dans le cadre de restrictions budgétaires, pose donc de trop nombreux problèmes alors qu’elle ne résout pas ceux du lycée d’aujourd’hui. A qui veut-on faire croire que l’on pourra lutter contre l’échec scolaire et réduire les inégalités en diminuant les heures de cours et en continuant à supprimer massivement des postes dans l’Education nationale ? C’est pourquoi les enseignants élus du Conseil d’Administration du lycée Audouin-Dubreuil de Saint-Jean d’Angély demandent le report à la rentrée 2011 d’une réforme de la classe de seconde et du lycée. Ils demandent l’ouverture d’une véritable négociation avec tous les acteurs de la communauté éducative pour transformer le lycée dans sa globalité et améliorer la réussite de tous les élèves, avec un budget à la hauteur des ambitions.