Réuni au ministère le 5 novembre dernier, un groupe de travail chargé de fixer les modalités du stage après la réforme du concours des enseignants a fait le point sur les modifications à attendre. Lors de cette réunion, le SNES-FSU a insisté sur la nécessité de clarifications, à la fois sur le volume horaire du stage mais également sur la notion de « formation adaptée », qui devraient dès 2022, concerner une part importante des stagiaires.

Le projet de réforme des concours tel que l’a voulu Jean-Michel Blanquer avait deux objectifs affichés : attirer davantage d’étudiants vers le métier d’enseignant et améliorer la formation.

Or, les dispositifs mis en place comme les AED-préprofessionnalisation lancés en 2019 et le projet de Master MEEF-alternant prévu pour les candidats des concours 2022 ont des écueils majeurs que dénonce SNES-FSU : surcharger les étudiants AED-prépro et alternants en cours de formation, démultiplier les ruptures d’égalité d’une académie à l’autre et selon le parcours du candidat, et enfin décharger complètement l’employeur Éducation Nationale du financement de la formation, celle-ci n’ayant plus lieu pendant l’année de stage (avec traitement de fonctionnaire) mais dans le cadre de la formation universitaire pré-concours autofinancée par les étudiants par leur propre travail de contractuel, inclus dans le cursus. Cette « réforme » organise donc un terrible retour à la situation née de la réforme de 2010, qui avait sacrifié l’entrée progressive dans le métier de tous les stagiaires, elle y ajoute, pour la voie MEEF, un passage quasi systématique par la case précarité, l’institutionnalisation d’un vivier de précaires obligés permettant au passage de baisser les postes aux concours.

Ce qui change :

La réforme du concours marque la disparition du stage en responsabilité à mi-temps devant les élève et à mi-temps en formation en Institut national supérieur du professorat et de l’éducation tel qu’il existe depuis 2014.

Les lauréats, selon leur parcours soit :

  • auront été « formés » avant l’obtention du concours et n’auront qu’un crédit de jours de formation fixé académiquement
  • auront des modules de formation en alternance (jusque-là réservée à des cas particuliers)

Explications :

Dans la lignée de la création du statut d’AED en préprofessionnalisation, qui concerne les étudiants dès la L2, le projet prévoit de concentrer la majorité de la formation au métier d’enseignant avant l’obtention du concours, reporté d’un an.

La véritable différence est que certain-es candidat-es aux concours auront déjà réalisé leur formation via le dispositif d’alternance avant leurs épreuves de concours, et se seront trouvé-es en responsabilité à tiers temps devant élèves (sans diplôme) durant leur année de M2 qui sera aussi celle de la préparation des concours. Cela promet une année impossible durant laquelle le ministère ampute et précarise la formation des futur-es stagiaires qui avait jusque-là lieu après l’obtention du concours.

Se pose la question des inégalités géographiques, toutes les académies ne prévoyant pas de proposer le même volume de postes d’alternants, mais également celle de la rupture d’égalité y compris entre deux candidat-es issu-es de MEEF : un qui aura exercé avant des épreuves désormais professionnalisées, et un qui n’aura pas pu faute de « berceau ». Enfin l’épreuve d’entretien professionnel du nouveau CAPES risque fort de défavoriser les candidats n’ayant pas suivi le parcours d’AED prépro ou n’ayant pas eu contrat d’alternance en M2.

Deux grands cas de figure pour le déroulement se présentent :

  • Les lauréats des concours ex-alternants en MEEF auront déjà réalisé leur formation d’enseignant. S’ils parviennent à obtenir le concours ils seront alors à temps plein devant leurs classes dès septembre. Seul un « crédit de jours de formation » (non précisé) sera alloué académiquement durant le stage.

Immédiatement considérés comme des professionnels prêts à l’emploi, puisqu’aucun système de tutorat n’est prévu pour eux.

On ignore tout de la manière dont ce stage, réalisé « pré-concours », sera valorisé au moment de leur affectation et dans leur parcours professionnel.

Les ex-contractuels en responsabilité pendant au moins 18 mois sur les 3 dernières années ne changent pas de régime : ils suivront également un « crédit de jours de formation » fixé académiquement, ce qui continuera à priver de très nombreux collègues d’une véritable formation, mais ils auront a priori accès à un tutorat.

  • Les lauréats des concours ex-MEEF sans alternance, les titulaires d’un autre master, et les candidats dispensés de master et les lauréats de l’agrégation n’auront pas « bénéficié de la formation pré-concours ». Ils seront donc placés en dispositif d’alternance post-concours à mi-temps avec des modules de didactique et de pédagogie.

Ce dispositif sera fixé académiquement en prenant en compte le « parcours » du lauréat, ce qui laisse présager des traitements différenciés d’une académie à l’autre.

On ignore encore le volume du stage ou du dispositif d’alternance.

Les revendications portées par le SNES-FSU :

Une des vraies inquiétudes soulevées par la FSU sur le projet d’arrêté qui modifie l’organisation de l’année de stage réside dans une véritable rupture d’égalité entre les candidats, selon leur formation, mais aussi selon leur académie d’origine et d’affectation, leur formation pourra différer du tout au tout.

Le SNES-FSU revendique ainsi un véritable cadrage national de la formation pour éviter une diversité totale dans les volumes de formation des futurs stagiaires.

En outre, il est nécessaire que l’Education nationale reconnaisse le besoin de formation qu’impose le métier d’enseignant et sa responsabilité de former ses jeunes enseignant-es : le SNES-FSU revendique une formation accompagnée d’un service à tiers temps sur le service du tuteur pour l’ensemble des stagiaires et un temps de décharge pour permettre à tou-tes de se former en prenant du recul sur sa pratique professionnelle. Il est inadmissible que les stagiaires ex-alternants soient privés d’un vrai parcours de formation et placés en responsabilité à temps plein devant élèves sans le moindre accompagnement. Tou-tes les futur-es stagiaires doivent pouvoir bénéficier d’un tutorat tout au long de l’année de stage et d’un parcours de formation conséquent et adapté à leur cursus antérieur au concours.

La « réforme » Blanquer ne fait qu’aggraver, pour les futurs profs et CPE, une tendance générale à la précarisation des jeunes (selon le sociologue Camille Peugny, «  au début des années 80, environ 12 % à 13 % des jeunes actifs étaient en emploi précaire alors qu’aujourd’hui on est au-delà de 35 % ») et au transfert du coût des études sur les individus, au risque d’un effondrement des viviers étudiants, la crise sanitaire et économique aidant.

Pour le SNES FSU, il faut au contraire déprécariser en finançant les études notamment par des prérecrutements, ce qui sécurisera le temps nécessaire à la formation tout en contribuant à l’attractivité de nos métiers.