Tout change ? Rien ne change…

Plus d’un millier de postes supprimés en lycée, des effectifs toujours en augmentation, des groupes à 35, des classes explosées sous l’effet des choix individuels de spécialités… Le ministère continue de mettre en place les réformes au mépris des contraintes sanitaires et dans un déni inquiétant de réalité.

Les annonces ministérielles de l’été ont confirmé la volonté politique de faire de cette rentrée en lycée une étape supplémentaire dans la mise en œuvre des réformes, comme si de rien n’était. Fin juin, les conclusions du Comité de suivi avaient d’ailleurs consciencieusement ignoré les demandes d’aménagement pour renforcer les aspects les plus délétères de la nouvelle organisation des enseignements et des examens.

Bac 2021, sous le feu du contrôle continu

Contesté de toute part, le bac Blanquer et sa déclinaison en épreuves commune de contrôle continu (E3C) ont été noyés par une session 2020 marquée par l’annulation des épreuves nationales du bac. Les épreuves anticipées de Première générales et technologiques, Français et les E3C de la spécialité abandonnée et de l’enseignement scientifiques sont passés au contrôle continu tandis que le reste de la session 2 des E3C a été purement annulée. Les modalités de ce contrôle continu comptant pour la session 2021 sont cadrées par le Décret, l’arrêté du 13 juin 2020 et une Note de service . On retrouve l’analyse de ces textes dans l’article La session 2021 sous le feu du contrôle continu .
Tous les élèves qui n’auraient pas passé la première session, que ce soit pour absence justifiée ou cause de grève, devront la passer en Terminale, en plus de tout le reste, et réviser pour ce faire, le programme de Première. Le ministère refuse de tenir compte des circonstances exceptionnelles de l’année scolaire et maintient à tout prix des épreuves locales qui plombent à la fois les contenus et l’organisation des apprentissages.

Des évaluations communes encore plus locales
Au cœur de l’été sont donc parus les notes de service transformant les épreuves communes en « évaluations », comme si le problème ne relevait que de sémantique. L’injonction à organiser ces évaluations communes sur le temps ordinaire des cours se fait encore plus forte d’autant plus que le calendrier de passation est assoupli. La première session d’évaluations communes peut d’ailleurs s’étaler sur tout le second trimestre de Première, le ministère enjoignant cette année les lycées à l’organiser le plus tard possible. La durée de chaque épreuve est calibrée à 2 heures « maximum » (sic). Comment faire pour les tiers-temps ? Comment gérer les vérifications d’usage dans un temps si contraint ? Comment éviter que cela ne se transforme en 110 minutes voire moins alors que les sujets sont calibrés sur deux heures pleines ? Les réponses seront locales et uniquement locales.
L’examen, encore national, conditionné comme jamais par des contraintes d’emplois du temps et de moyens, voit ainsi sa légitimité se limiter dangereusement à celle du lycée d’origine. Le ministère reconnaît d’ailleurs que les seules garanties de l’égalité de traitement entre les candidats résident dans la banque nationale des sujets désormais en libre accès ainsi que dans l’unique commission d’harmonisation de Première et le jury d’examen en Terminale.
Le niveau du renvoi au local est tel que tout élève devant repasser l’une des sessions de Première sera soumis à des évaluations organisées par l’établissement initial, même s’il y’a eu changement de lycée (« en cas d’absence pour cause de force majeure dûment constatée à une évaluation commune, le candidat est convoqué à une évaluation de remplacement organisée par l’établissement qui avait organisé l’évaluation initiale : cette évaluation de remplacement peut avoir lieu jusqu’à la fin de la série d’évaluations communes de terminale dans l’établissement d’inscription de l’élève pour l’année scolaire en cours »).

Les modalités de ces « évaluations » sont détaillées dans la note de service du 23 juillet publiée dans un Bulletin spécial avec tous les autres textes, notamment ceux fixant de nouvelles modalités d’épreuves en langues vivantes et des allègements de programme pour l’enseignement scientifique.

Les changements les plus notables concernent les langues vivantes. Une Note de service définit les attendus et les nouvelles modalités de l’épreuve de l’enseignement de spécialité langues, littératures et cultures étrangères et régionales de la classe de terminale de la voie générale à la faveur de la création de la spécialité LLCER Anglais monde contemporain. On trouvera dans ce même Bo spécial les évaluations spécifiques pour l’option internationale, les sections européennes et les disciplines non linguistiques (DNL) qui précise les conditions d’application de l’arrêté du 20 décembre 2018. Un arrêté du 5 juin 2019 avait auparavant détaillé les modalités de la double délivrance des diplômes : Abibac, Bachibac et Esibac.

Le SNES-FSU n’a cessé de réclamer une organisation transitoire des examens qui permette de se donner du temps afin d’en repenser les modalités. Sourd aux revendications, le ministère persiste à vouloir instaurer une batterie d’évaluations locales étalées sur tout le cycle terminal, réduisant du même coup le diplôme national à la certification d’un niveau dans quelques matières, base de la sélection des dossiers de candidature sur Parcoursup.

Saignée sur les postes
En réduisant les horaires d’enseignement et les possibilités de groupes à effectifs réduits, en refusant le financement des options, en obligeant à l’abandon d’une spécialité de la Première à la Terminale, la réforme du lycée implique des suppressions de postes. Plus de 1100 postes seront supprimés pour la rentrée prochaine, comme si, d’un coup, dix lycées étaient rayés de la carte. Les enseignements scientifiques, sauf les SVT, paient un lourd tribut au projet ministériel de réserver les mathématiques à une minorité d’élèves dans la série générale et de laminer les séries technologiques. Au moins 465 postes sont supprimés en Sciences de l’Ingénieur et des techniques industrielles (SII), ce qui représente plus de 5% des effectifs des professeurs titulaires de la discipline. 465 postes supprimés en Maths, 93 en Physique-Chimie. La concurrence entre les spécialités fragilise aussi les Sciences économiques et sociales (SES) qui perdent au moins 80 postes, et toutes les langues vivantes autres que l’Anglais. La disparition de nombreuses options, le regroupement des élèves dans les enseignements communs fait disparaître des postes partout, notamment en Lettres, en Langues vivantes et enseignements artistiques.
On retrouvera le bilan quasi complet des créations et suppressions de postes en lycée dans le tableau ci-dessous. Ce dernier a été établi à l’aune des documents des comités techniques académiques qui se sont tenus au printemps dernier.

Créations et suppressions de postes en lycée rentrée 2020

Alors que le ministre n’hésite pas à dire qu’il faudra privilégier les effectifs réduits pour garantir la sécurité sanitaire, il laisse donc la rentrée prochaine se préparer avec moins d’enseignants et davantage d’élèves dans des classes dont le cadre explose sous l’effet du principe du lycée à la carte. Comment, dans ces conditions limiter le brassage des groupes d’élèves comme le préconisent les autorités sanitaires ? Comment assurer le suivi personnalisé quand plusieurs dizaines d’enseignants interviennent sur une division de 35 élèves ?

Des tests de positionnement en Seconde, remèdes à tous les maux ?
Les tests de positionnement organisés la seconde quinzaine de septembre en Français et Maths de constituent officiellement le seul remède ou presque à tous les maux, à charge pour chaque lycée de trouver les moyens horaires nécessaires à la remédiation dans le cadre d’un accompagnement personnalisé sorti des emplois du temps et financé sur la dotation d’autonomie. Ne faisant l’objet d’aucun texte réglementaire, la procédure et les objectifs sont décrits ICI