Elle reste encore ouverte à l’ensemble de la profession.

Une grande diversité d’organisation qui sonne comme un échec pour le ministère

À partir de la question concernant l’organisation du collège du ou de la répondant·e, la suite du questionnaire diffère selon la réponse donnée. Les organisations sont classées selon les modifications affectant le fonctionnement habituel d’un collège : pas de groupes, regroupements hétérogènes, regroupements hétérogènes et homogènes, regroupements homogènes (donc de niveau) exclusivement.

L’item « autre situation » recouvre diverses situations, dont nous avons demandé la description, qui vont de la réforme appliquée à un seul niveau (Sixième ou Cinquième) à un fonctionnement en classes entières dédoublées une à deux heures par semaine ou bien avec du coenseignement d’un·e professeur·e supplémentaire (une sorte de « Plus de maîtres que de classes »). On retrouve des cas où seuls des élèves en difficulté se retrouvent dans un regroupement de besoin. Il n’est donc pas possible de répartir facilement ces réponses.

Il n’y a que 26% des collèges représentés qui appliquent à la lettre les textes réglementaires de la réforme du « Choc des savoirs » avec des regroupements interclasses de niveau (ou de besoins) homogène et parmi ceux-ci la composition des groupes serait variable en cours d’année dans seulement 54%. Dans au moins 44 % des établissements, le tri n’est pas appliqué dans les établissements. C’est un camouflet pour le ministère. La mobilisation de la profession contre cette réforme, même là où elle n’a pas pu aboutir, a été très soutenue.

Le SNES-FSU déplore toutefois une progression des formes de tri scolaire (au moins 50 % des collèges). Dans les situations où la réforme est strictement appliquée bien sûr mais aussi quand elle est aménagée. Si la solution a pu sembler limiter les effets ségrégatifs de la réforme, exfiltrer des élèves en difficulté dans un regroupement de niveau faible alors que les autres élèves fonctionnent en classe ou bien en regroupements hétérogènes reste une forme de tri scolaire (avec sa corrélation sociale). L’item «  regroupements hétérogènes et homogènes » recouvre cette application du « Choc des avoirs », même si cela a pu laisser penser à des collègues qu’ils avaient échappé à une application intégrale de la réforme. Dans au moins 44% d’entre eux, les regroupements seront de composition variable au cours de l’année. Cet item recouvre aussi les collèges qui appliquent partiellement la réforme sur un niveau ou sur une discipline sur les deux. Les groupes de niveau ne concernent qu’une partie des Sixième dans 46% des réponses et qu’une partie des Cinquième dans 37%.

On peut noter de fortes disparités géographiques de la mise en place de la réforme. La mobilisation (souvent départementale) et la position des DASEN ont probablement joué un grand rôle. La moitié des collèges ne trient pas les élèves selon leur niveau.

La mobilisation dans les établissements a enrayé la réforme

C’est parce que la mobilisation des personnels a été très forte, dans 81% des cas, que des collèges fonctionnent encore en groupes classes. Seuls 28 % des principales et principaux y étaient favorables à cette option.

La bataille menée au conseil d’administration y a emporté cette victoire dans 39% des cas. L’effectif moyen de ces collèges est plus faible : 481 élèves contre environ 550 pour les autres. L’effet de structure a donc pu jouer aussi (pas assez de professeur·es de mathématiques pour créer des barrettes par exemple). Les trois académies qui présentent le plus de cas comportent beaucoup de collèges ruraux : Nantes, Rennes et Bordeaux. La lutte très engagée contre le « Choc des savoirs » dans les départements de ces académies a aussi limité la mise en place de la réforme. Dans les collèges ayant adopté des regroupements hétérogènes, cette organisation a été obtenue grâce à une mobilisation des personnels dans plus de 77 % des cas.

Nous ne trierons pas nos élèves

Pour les établissements appliquant la réforme avec des groupes de niveau, la mise en place s’est effectuée contre l’avis des équipes enseignantes dans 35% des cas. Ce sont certainement dans les établissements où il y a le moins de militant.es investi.es et de personnels en capacité d’exercer un rapport de force avec la direction que les mesures s’imposent davantage, mais le questionnaire n’a pas pu entrer dans ce niveau de détail.

À la veille de l’Acte 2 de la réforme du « choc des savoirs » , il faut se souvenir que la mobilisation des personnels est souvent efficace, d’autant plus quand elle est collective.

Une dégradation massive des conditions de travail

Plus l’application de la réforme se rapproche des textes règlementaires, plus le nombre de répondant·es pointant une dégradation des emplois du temps des professeur.es est important : entre 66 et 76%. Pour l’emploi du temps des élèves, c’est respectivement de 47 à 51%. De 45 à 52% des répondant·es déclarent que la réforme a induit des tensions dans l’établissement. L’organisation qui génère le plus de tensions est notamment celle qui mêle des regroupements hétérogènes et homogènes. Appliquer ou pas la réforme suscite des tensions dans les salles des professeur.es alors que la profession a besoin de reconstruire les collectifs de travail. Quand la réforme est appliquée au sens strict, 68 % des personnels déclarent qu’elle induit une surcharge de travail. Cette proportion tombe à 51% quand les regroupements sont hétérogènes.

Barrettes omniprésentes et progressions communes qui se généralisent

Si la résistance aux groupes de niveau a été forte, l’organisation de classes en barrette est un raz-de-marée. Lorsque les regroupements sont hétérogènes, 77% des collèges alignent complètement les classes en français et mathématiques et 18% de façon partielle. Même quand l’esprit de la réforme n’est pas suivi, cet alignement a peu été évité et c’est ce qui détériore les emplois du temps de façon majeure. Cette organisation expose davantage aux pressions hiérarchiques pour prendre en charge les élèves des collègues absent·es, à l’instar ce qui existe dans le premier degré. Certain·es personnels de direction veulent en effet répartir les élèves d’un·e professeur·e de mathématiques ou français absent·e dans les autres regroupements du même niveau. Une situation inédite qui ne respecte ni les professeur·es ni les élèves ! Le principe de garderie prime alors sur le sens même de l’École. Là aussi, le refus collectif permet d’éviter la pérennisation de telles pratiques.

De même, la progression dite « commune » s’est imposée dans 79% des établissements ayant établi des regroupements homogènes ou une organisation mixte. Cette atteinte à la liberté pédagogique augmente la charge de travail des professeur·es. Elle existe aussi, de façon étonnante dans 27% des collèges ayant conservé un fonctionnement par classes et 56% de ceux qui ont créé des regroupements hétérogènes. La densité de l’enquête n’a pas permis de préciser les formes que prennent ces progressions communes : s’agit-il d’un vague ordre de chapitres à suivre ou bien d’une progression « synchrone » à la séance près ? La première peut sembler tolérable. La seconde induit des injonctions paradoxales, notamment quand il s’agit d’enseigner au groupes des élèves les plus en difficulté, que l’on devrait pouvoir aider, mais qui devraient suivre le rythme des regroupements d’élèves les plus performant·es ! Ces injonctions paradoxales peuvent littéralement générer de la souffrance professionnelle. C’est ce qui ressort des témoignages en stage de formation syndicale. La liberté pédagogique est notablement remise en cause par ces mesures.

La mobilisation à venir contre l’« Acte 2 » de la réforme du « Choc des savoirs » doit viser à se débarrasser de ces alignements de classe et des progressions communes afin de retrouver des conditions de travail et d’étude de qualité. Ce n’est pas l’uniformisation des pratiques qui permet de mieux faire réussir les élèves. Le métier de professeur·e est un métier de conception de cadre A et non pas d’exécutant·e. Notre professionnalité doit être respectée.

L’École de l’exclusion

Pour rappel, l’arrêté qui organise les enseignements des élèves de SEGPA a été modifié en même temps que celui des classes de collège ordinaires or il n’y est pas fait mention de regroupements de besoins. Les élèves de SEGPA ne devaient donc pas participer à cette réforme mais bénéficier de l’enseignement de leur professeur·e des écoles spécialisé·e dans la difficulté scolaire. La note de service a tout de même invité les collèges à inclure ces élèves dans les regroupements de besoins si l’équipe le souhaitait. C’est dans le quart des collèges organisant des regroupements homogènes que la plus forte proportion d’inclusion d’élèves de SEGPA est déclarée (25% des collèges répondant comportant une SEGPA). De même, 16% du quart des collèges organisant des regroupements hétérogènes et homogènes incluent des élèves de SEGPA quand ils en ont une. Cette proportion tombe à 8% lorsque les regroupements sont uniquement hétérogènes.

En ce qui concerne les autres élèves relevant de l’École inclusive (en situation de handicap, allophones, EFIV*i), nous n’avons interrogé que les établissements qui pratiquent les regroupements homogènes et mixtes. Dans 37% des collèges appliquant les regroupements de niveau homogène, les élèves relevant de l’École inclusive sont regroupé·es dans le groupe « en difficulté ». Une proportion importante est aussi atteinte dans les collèges organisant des regroupements hétérogènes avec des regroupements homogènes : 33%. Peut-on encore parler d’école « inclusive » quand on réunit tous ces élèves dans un groupe à part sur plus d’un tiers de leur emploi du temps ? La note de service précisait bien qu’il fallait disperser les élèves de l’École inclusive dans les différents groupes de besoins… donc sans prendre en compte leurs besoins ! Quelle que soit l’organisation choisie pour ces élèves, il y a à redire quand on suit les textes réglementaires !

*iEFIV : enfants de familles itinérantes et de voyageurs

Aux dépens des autres disciplines (suppression de dédoublements, moins d’options,…)

Moins de 10% des établissements interrogés ont reçu une dotation suffisante pour mettre la réforme en place selon les textes réglementaires. Il a fallu utiliser la marge d’autonomie et réduire d’autres enseignements dans la plupart des collèges.

Environ 20% des établissements ont dû supprimer l’AP en mathématiques ou en français pour financer la réforme. De 38 à 44% des établissements ont dû supprimer des dédoublements dans d’autres disciplines pour mettre en œuvre des regroupements d’élèves en français et mathématiques qu’ils soient homogènes ou hétérogènes. Environ 10% des collèges interrogés ont réduit ou supprimé des options dont les LCA. On observe donc un resserrement sur l’enseignement de ce que le ministère nomme « les fondamentaux », et cela, aux dépens des langues vivantes et des séances expérimentales en sciences et technologie.

Soutien dans moins d’un établissements sur 5 : encore un échec pour le ministère !

Le soutien “jusqu’à 2h” pour les élèves en difficulté, prévu dans l’arrêté d’organisation des enseignements du collège, est mis en place dans 17 % des collèges, probablement par manque de moyens. Il est mis en place dans 41 % des collèges n’ayant pas fait de groupes (ce qui reste minoritaire), peut-être pour justifier qu’un dispositif à destination de ces élèves est mis en place. Pour le SNES-FSU, les conditions doivent être réunies pour que l’étayage des élèves en grande difficulté puisse avoir lieu en classe (diminution drastique des effectifs par classe à 20 élèves et 16 en éducation prioritaire) avec les PLC.

Il s’agit donc encore d’un pan de la réforme qui se résume à des annonces non suivies d’effets car non financées. Cela laisse à penser qu’il en sera de même pour l’annonce de l’acte 2 d’une accentuation de Devoirs faits en Quatrième et Troisième.

Des PLC interviennent en soutien dans 70% à 94% des collèges où il est mis en place. Il y a aussi des PE pacté.es entre 28 et 49% et environ 5% de PE enseignant en ULIS et SEPGA.

Les évaluations nationales deviennent un outil de pilotage

Logiquement, les évaluations nationales sont davantage utilisées pour trier les élèves quand sont constitués des regroupements de besoins/niveau à plus de 33%. Il ne faut pas oublier que le ministère assume d’utiliser ces évaluations standardisées comme outil de pilotage et que figure désormais dans les missions des IA-IPR de français et mathématiques de prendre en compte les résultats des élèves dans l’évaluation des professeur·es.

Ensemble contre la mise en place de l’Acte 2 de la réforme

La lutte et le rapport de force font leurs preuves. L’Acte 2 du « Choc des savoirs » va ajouter les modifications de socle et de programmes au tri social des groupes de niveau. Les nouveaux programmes de français et mathématiques du premier degré sont littéralement cadencés. La profession ne doit pas se laisser imposer une taylorisation du métier. Les professeur.es peuvent et doivent encore user de leur liberté pédagogique.

Choc des savoirs

Bien que le ministère garde sa ligne de tri scolaire et sociale avec une recréation du « soutien/approfondissement » en français et mathématiques en Quatrième et Troisième, il a renoncé à la généralisation du fonctionnement en regroupements interclasses sur l’ensemble de l’horaire. C’est en se mobilisant collectivement avec le SNES-FSU que l’on pourra abroger cette réforme.