J-F. Chazerans a été placé en garde à vue pendant 8 heures et interrogé ce jeudi au commissariat, dans le cadre de l’enquête pour apologie d’actes de terrorisme et ce, à la suite d’un seul courrier d’une mère d’élève l’accusant d’avoir soutenu les responsables de l’attentat à Charlie Hebdo. Un courrier envoyé à la proviseure du lycée a suffi à mettre en doute l’honneur, les convictions, la parole d’un enseignant. Les témoignages d’élèves à décharge n’ont servi à rien, de même que ceux de ses collègues.
En vrac, on reproche à ce collègue de ne pas faire de cours mais des débats (à une époque où le cours magistral est présenté partout comme une vieillerie insupportable), de soutenir les terroristes tout en reconnaissant qu’il a déploré l’attentat, d’avoir parlé de cet attentat avec les élèves alors que c’était la consigne…
Où est la raison, la logique dans ce mauvais film ? Quel enseignant de philosophie, de lettres ou d’histoire, notamment, n’a pas été amené, ce jour-là ou ceux qui ont suivi, à répondre aux remarques, indignations, questions des élèves sur ces attentats bouleversants ? Fallait-il attendre des élèves qu’ils « fassent » la minute de silence, sans leur donner la moindre explication ? Fallait-il les laisser en proie à l’émotion sans les amener à réfléchir, raisonner ? Est-il possible de donner des explications sans avancer d’opinion ? Est-ce même raisonnable ?
Aujourd’hui que nous savons ce qui arrive à notre collègue de philosophie, peut-on continuer à exercer notre métier de la même façon, sans se poser de nouvelles questions, sans se sentir menacé ? Car nous savons maintenant que nous sommes tous sous la menace d’un courrier de parent, d’un témoignage d’élève qui n’a pas saisi le sens d’un propos, d’un trait d’ironie pris au premier degré. Bien sûr ces malentendus ont toujours existé mais jusque là nous faisions confiance aux chefs d’établissement pour « faire barrage », aux IPR et au recteur pour savoir raison garder. Aujourd’hui, c’est visible, nous avons changé d’époque : l’école est un commerce et le client a toujours raison…