Bien difficile de savoir à ce jour ce que le ministre de l’Education nationale fera de la session 2021 du bac tant les décisions ministérielles échappent à la raison pédagogique ! Cet article, mis à jour ce jeudi 10 juin, fait le point sur les modalités des épreuves, le calcul des moyennes à l’examen et les revendications que le SNES-FSU continue de porter sans relâche.
Ultimes précisions avant l’épreuve ?
La note de service publiée au BO ce jeudi 10 juin détaille les modalités de la session 2021 du bac. Elle confirme le contenu des textes réglementaires présentés le 27 mai dernier en CSE et publié ce jour au journal officiel, rappelle notamment les règles pour les épreuves du second groupe mais vient aussi préciser les modalités de l’attribution de la note de philosophie quand cela concerne un candidat absent pour motif justifié : « Si un candidat est absent le jour de l’épreuve, pour cause de force majeure dûment justifiée, la règle qui s’applique par défaut consiste à le convoquer à une épreuve de remplacement en début d’année scolaire 2021-2022. Il lui revient de transmettre les justificatifs de son absence au recteur de son académie d’inscription, par courrier recommandé avec accusé de réception, dans un délai permettant au rectorat de réceptionner ces pièces au maximum 72 heures à compter de l’heure de la convocation du candidat à l’épreuve. Dans le cas où le candidat souhaite bénéficier de la prise en compte de sa moyenne annuelle de philosophie plutôt que de se présenter à une épreuve de remplacement, il doit joindre à son envoi un courrier adressé au recteur, sous format libre, dans lequel il indique cette demande. Ce courrier doit impérativement être envoyé simultanément avec les justificatifs d’absence, dans le même envoi. »
Voir ICI le texte intégral de la note et Là les liens vers le décret et l’arrêté.
Le contrôle continu écrase tout
Le ministre de l’Education nationale avait informé les personnels des nouvelles modalités du baccalauréat pour la session 2021 dans un courrier de janvier dernier et depuis, toute une série de textes réglementaires est venu formaliser les annonces ministérielles (voir le document ci-dessous).
-les évaluations communes sont remplacées par le contrôle continu
-les épreuves de spécialité sont annulées et remplacées par le contrôle continu
-le grand oral est maintenu
-l’épreuve de philosophie est maintenue mais aménagée (4 sujets au lieu de 3)
-l’oral de français est aménagé avec la diminution du nombre de textes en voie générale et technologique mais rien n’est prévu pour l’épreuve écrite.
Le conseil supérieur de l’éducation du 27 mai a posé un avis défavorable sur les derniers aménagements de cette session mais l’administration a persisté dans sa volonté de maintien du Grand oral et des autres épreuves (décret et arrêté sont encore à publier). Les modalités du calcul de la moyenne de bac sont donc modifiées de la façon suivante:
–En philosophie, le candidat bénéficiera de la meilleure des deux notes entre l’épreuve finale et la moyenne de contrôle continu; s’il est absent avec un motif valable, il pourra demander le bénéfice du contrôle continu en lieu et place de l’épreuve de remplacement de septembre; En cas d’absence injustifiée, il ne sera pas possible de bénéficier de cette possibilité car la note de 0 s’appliquera;
-les épreuves spécifiques de langue et de DNL pour les sections internationales, Abibac, Esibac et Bachibac sont annulées et remplacées par le contrôle continu.
-le principe de la prise en compte du contrôle continu à la place des évaluations communes est étendu aux établissements hors contrat;
-dans les établissements français de l’étranger, l’épreuve de philosophie peut être annulée et remplacée par la note de contrôle continu, le grand oral pourra aussi se dérouler en visio, le tout dépendant des décisions des autorités locales.
Le ministère perd la boussole
Que ce soit sur les évaluations communes annoncées comme supprimées fin octobre dernier, ou les épreuves de spécialité, ces textes témoignent de l’impossibilité de substituer le contrôle continu à des épreuves ponctuelles prévues et préparées comme telles pour un examen national. Les moyennes annuelles de terminale pour chaque enseignement de spécialité concerné feront donc office de note de bac. Faute de pouvoir réfléchir à des modalités pédagogiques d’harmonisation rendues impossibles, il est prévu de remplacer le travail des commissions par les décisions de jurys et sous-jurys. Comme pour la session 2020, il est prévu de fournir des éléments statistiques de comparaison issues des sessions 2018 et 2019 afin de procéder à ce qui s’apparente davantage à une péréquation des résultats.
Peu importe que les épreuves comme les programmes soient nouveaux et que certains enseignements n’existaient pas, le ministère fait le choix de comparer l’incomparable et de renouveler une procédure qui a fait la preuve de son échec l’année passée. On atteint un degré rarement égalé dans l’absurde concernant les évaluations communes passées au contrôle continu car elles seront jaugées, entre autres, à l’aune de la première session des épreuves communes de contrôle continu (E3C). Comment accepter de prendre ainsi comme référence des épreuves particulièrement injustes, dénuées de cadrage national, et passées sous la menace du zéro et des forces de l’ordre ? Pour le ministère, en matière d’évaluation l’arbitraire fait loi ?
Et veut mettre au pas les enseignants
Le desserrement du calendrier des épreuves écrites s’accompagne d’un resserrement du contrôle sur les pratiques d’évaluation au quotidien dans la classe, au prix d’une pression sans précédent sur les enseignants comme sur les élèves. Dans le genre, le « guide de l’évaluation » est une caricature accumulant les injonctions d’autant plus impossibles à tenir que bien souvent, les heures de cours avaient été divisées par deux pour de nombreux lycées depuis novembre dernier et que désormais, tous les établissements sont fermés. Le ministère veut donc imposer un nombre minimum d’évaluations et de types d’exercices, le tout articulé à de pseudo-harmonisations locales. Il faut des moyennes « robustes » (sic), ordonne-t-t-il, comme si ça pouvait suffire à l’égalité de traitement devant un examen désormais vidé de sa dimension nationale. Sous prétexte de l’urgence sanitaire, le ministère poursuit ainsi avec obstination son travail de destruction des libertés pédagogiques et du métier enseignant. Comment envisager les évaluations et les apprentissages dans une situation où les enseignements sont entravés par la mise à distance des élèves et les aléas de l’école numérique?
La « dématérialisation » des corrections généralisée à toutes les épreuves écrite consacre dans les faits la mise au pas des pratiques car, puisqu’il relève maintenant de la quasi obligation , le dispositif modifie non seulement l’acte d’évaluation mais constitue surtout un remarquable outil de management au service de l’optimisation de la ressource humaine. En conséquence, le SNES-FSU demande la possibilité de corriger les copies dans leur version papier.
Les revendications immédiates
Après l’annulation des évaluations communes est venu le tour des épreuves de spécialité initialement prévues en mars. Il est peu de dire que cette annonce était attendue tant la situation était devenue pédagogiquement ingérable. Le choix ministériel du contrôle continu ne résout cependant rien bien au contraire. Le sort fait à l’épreuve de philosophie désormais délégitimée par la possibilité du choix de la note de contrôle continu en constitue une preuve supplémentaire.
Au lieu de penser en amont des modalités alternatives à l’organisation des examens et des enseignements, le ministère a fait le choix de l’incohérence. Obsédé par la mise en œuvre de ses réformes, il a ainsi annoncé des adaptations par morceaux en refusant toute possibilité d’anticipation. Or, depuis l’année dernière, le SNES-FSU a constamment alerté sur la nécessité d’un calendrier alternatif des examens et d’allègements de programmes. Il continue de plaider pour la neutralisation du Grand oral, épreuve dont personne ne sait actuellement quoi faire (voir ci-dessous le communiqué intersyndical du 7 avril).