Lors du Conseil supérieur de l’Éducation (CSE) du 8 février, le SNES-FSU a déposé un certain nombre d’amendements pour contrer la mise en œuvre des groupes de niveau prévus dans l’arrêté collège. Le ministère les a systématiquement rejetés préférant un texte confus mais finalement interprétable. Lors de sa rencontre avec la nouvelle ministre le 12 février, le SNES-FSU lui fera entendre la nécessité de renoncer à toute l’idéologie des groupes de niveau : elle doit abandonner le « choc des savoirs ».
Le projet d’arrêté collège présenté pour avis au CSE du 8 février, réorganise les enseignements dès la rentrée 2024. Il a été rejeté unanimement par toute la communauté éducative (représentant.es des personnels, des parents, de la jeunesse, des collectivités, du patronat) qui siège au CSE : 67 voix Contre et pas une seule voix Pour (une abstention). Le SNES-FSU a longuement fait entendre son opposition à ce texte et a défendu des amendements ciblés pour en limiter les conséquences.
Le projet propose dans son premier article, la création de deux heures de soutien sur les « savoirs fondamentaux » dont la définition, sans qu’on ne la connaisse précisément, ne se limiterait pas au mathématiques et au français :
« Des heures de soutien supplémentaires consacrées à la maîtrise des savoirs fondamentaux peuvent être proposées aux élèves dont les besoins ont été identifiés conformément aux dispositions des articles D. 311-12 et D. 332-6 du code de l’éducation, dans la limite de deux heures hebdomadaires. »
Soutien dans le Pacte
Ce « soutien renforcé » comme le définit le ministère, externalise l’accompagnement des élèves en difficulté au dehors de la classe et est présenté comme une prévention au redoublement dans le cadre de PPRE revivifié ! Pour suivre ce soutien, les élèves pourraient être soustrait.es des enseignements obligatoires, la LVB en Cinquième par exemple, ce qui immanquablement limitera la suite de leur parcours scolaire. Ce soutien n’est pas financé dans la DHG et pourra être confié en HSE ou en mission du Pacte à tout collègue volontaire, professeur.e des écoles ou du second degré. La FSU a déposé un amendement pour supprimer cet article 1. Il a reçu un avis favorable du CSE (26 Pour, 13 Contre, 21 Abs, 6 refus de vote), le ministère a néanmoins refusé de le retenir.
Article 4 déterminant
L’article 4 semble amorcer un léger recul du ministère puisque les groupes de niveau disparaissent de l’arrêté :
Après l’article 4 du même arrêté, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1 – Les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout l’horaire, sont organisés en groupes pour l’ensemble des classes et des niveaux du collège. Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. Leur composition est réexaminée au cours de l’année scolaire afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves. Les groupes des élèves les plus en difficulté bénéficient d’effectifs réduits. »
Mais attention aux petites lignes des annexes !
Mais comme souvent, les petites lignes sont à scruter ! Dans les annexes à l’arrêté, les grilles horaires précisent bien pour les enseignements de mathématiques et français :
(**) Ces enseignements sont organisés en groupes de niveaux, constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs sur la totalité du volume horaire.
Les groupes de niveau n’ont donc pas disparu totalement de l’arrêté. Le SNES-FSU a donc déposé un amendement pour supprimer cette unique mention « de niveau » dans tout l’arrêté. Il a été soutenu notamment par les représentant.es des personnels de direction qui ont bien insisté pour que la mention « de niveau » n’apparaisse nulle part dans l’arrêté afin de réduire les crispations sur le sujet. L’amendement a reçu un avis favorable (45 Pour, 0 Contre, 17 Abs, 6 Refus de vote). Le ministère a dans un premier temps revendiqué cette dernière mention dans la grille car seule cette grille sera consultée par les collègues et ils trouveront ainsi l’indication pour organiser les groupes prévus dans l’article 4. Le SNES-FSU a dénoncé ce maquillage de l’arrêté créant une grande confusion et donnant finalement plus de poids à des annexes qu’à l’arrêté. Il a dénoncé la manipulation du ministère brouillant à dessein les besoins des élèves (l’article 4) et leurs compétences scolaires (la mention dans la grille). A l’issue du vote, le ministère a conclu qu’il fera remonter la demande à la ministre, insistant toutefois sur un « détail de terminologie ». C’est dire la volonté des services du ministère de passer en force pour imposer les groupes de niveau !
Tout ou partie des horaires ?
Le SNES-FSU a aussi défendu un amendement à l’article 4 pour intégrer à la formulation « ou partie » afin de définir les groupes comme une modalité pédagogique à la main des équipes :
Les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout ou partie de l’horaire, sont organisés en groupes pour l’ensemble des classes et des niveaux du collège.
Il s’agit surtout de permettre aux équipes de ne pas organiser les groupes de niveau sur la totalité de l’horaire, voire de ne pas les organiser du tout ! Besoin des élèves de rester en groupe classe, manque de moyens, absence de collègue surnuméraire, absence de salles… les raisons ne manquent pas pour justifier l’impossibilité de faire des groupes de niveau. Au passage, l’article 4 retire le seuil de 15 élèves pour le groupe de élèves les plus fragiles !
L’amendement a été adopté (23 Pour, 18 Contre, 19 Abs, 6 Refus de vote) mais le ministère l’a rejeté et défend des groupes à organiser sur la totalité des horaires de mathématiques et français.
Et maintenant ?
La balle est bien dans le camp de la ministre N. Belloubet qui devra trancher sur les écritures de l’arrêté avant sa publication imminente au BO. Mais au-delà des textes qui seront publiés après son arbitrage, c’est toute l’idéologie qu’il faut combattre car la référence aux groupes de niveau a durablement imprégné les esprits du haut encadrement de l’Éducation nationale. Le SNES-FSU attend de la ministre une prise de position et une expression sans ambiguïté aucune pour abandonner cette mesure et toutes celles du « choc des savoirs ».