Les pseudo-formations sur la réforme ont commencé le 4 janvier dans notre académie. Sous la menace, les collègues (enseignants et CPE) sont présents mais pour quoi faire ? A la lecture des témoignages, on se le demande… Le vide des formations semble à la mesure de la vacuité de la réforme.
Vienne (Poitiers) : Les collègues du collège Jean Moulin ont écrit au recteur
Nous tenons à vous informer de notre déception et de notre mécontentement suite aux journées dites de formation « réforme du collège – accompagnement pédagogique » qui se sont déroulées en janvier 2016.
Nous dénonçons tout d’abord l’approche indéniablement infantilisante et souvent humiliante de cette formation.
Le discours véhiculé tout au long de la formation juge que nos « postures pédagogiques » et nos pratiques ne sont pas bonnes et sont la cause d’un échec scolaire massif.
Ainsi, ce ne serait nullement une question de moyens mais bien une question de pédagogie et de résistance aux changements de la part d’enseignants qui se refusent à faire les efforts demandés. Ainsi, sur le fond, ces journées de formation nous sont apparues comme une véritable insulte à notre métier, à notre investissement, à notre travail quotidien dans les classes qui ne ressemblent en rien à ce que l’on nous décrit.
Nous souhaitons ensuite attirer votre attention sur le manque de préparation, de fond, de sérieux et, osons le dire, de professionnalisme de cette formation. L’ensemble était totalement déconnecté de notre réalité professionnelle, cette formation était réellement vide de sens, dépourvue d’informations pratiques, dénuée de réflexion. Riche en revanche d’humiliation. Nous le soulignons à nouveau.
En outre, nous n’aurons pas pu accéder à d’autres formations, cette formation aspirant tous les moyens de la formation continue dont le programme aura été inexistant cette année.
Nous ne pouvons, Monsieur le Recteur, accepter sans réagir d’être ainsi considérés, que notre travail et notre dévouement à notre métier soient ainsi insultés.
Nous demandons donc pour les formations à venir de recevoir à l’avance :
- un programme détaillé de la formation
- le statut des formateurs
Deux-Sèvres (Prahecq) : Long, pénible et inutile…
À notre arrivée au stage sur l’AP, trois personnes semblent avoir été invitées pour l’animer : deux IPR dont un seulement fera entendre sa voix, et une chargée de mission préposée à la surveillance de son ordinateur – et de la salle aussi peut-être. Nul ne nous dira cependant de quoi il retourne. On nous parle vaguement de pratiques obsolètes (les nôtres assurément) de positions que nous n’avons pas su prendre, et d’accompagnements voire de pédagogies auxquels nous serions totalement étrangers. Puis la bonne parole une fois brièvement distribuée, on nous fait mettre en groupe toute la matinée afin que nous tentions de répondre par nous-mêmes à des questions sur lesquelles nul ne reviendra par la suite. L’après-midi sera du même tonneau, si ce n’est les cinq dernières minutes consacrées aux questions… mais aux questions seulement, sous le vernis extrêmement mince de ce que personne n’oserait appeler une réponse. Voici une description certes bien factuelle de la formation qui nous a occupée aujourd’hui, mais parce qu’elle était sans aucun contenu, elle ne me laisse pas la moindre prise sur celui-ci. Allez, plus que sept autres journées.
Vienne (Poitiers) : Parole d’IPR « »le programme, je m’en fous, je n’en ai rien à secouer. »
Le 14 janvier nous étions en formation dans un LP, quelques enseignants de chaque collège d’un même bassin ( trois ), de l’EREA et d’un LP.
Les formateurs étaient un IPR de math, un chef d’établissement et un enseignant de LP.
Au départ l’IPR nous a demandé de présenter ce que nous faisions déjà en accompagnement pédagogique ( et ce que nous aimerions avoir comme dispositifs), ainsi que l’accompagnement personnalisé. Dans mon groupe on a présenté ce qu’on fait d’habitude en cours ( c’est ça l’accompagnement pédagogique ). Tout le monde a exprimé le souhait d’avoir des groupes à effectifs réduits ( de 18 à 25 selon les matières, et en demi-groupes pour d’autres ).
Ensuite l’IPR a ouvert son power point pour nous expliquer la réforme, qui s’appuie sur un constat de PISA : l’école renforce les inégalités.
L’évaluation par compétences du nouveau socle qui a 8 domaines, va permettre d’y remédier. Plusieurs collègues ont demandé des explicitations sur les domaines, notamment ce que signifie langage des arts et du corps ( Arts plastiques / EPS ? ). A ma question : qui valide le socle ? On m’a répondu : il faudra prendre davantage de temps entre vous.
L’IPR a confirmé que l’accompagnement pédagogique était ce qu’on faisait déjà mais qu’à l’intérieur il y aurait trois dispositifs nouveaux : Accompagnement personnalisé, EPI, et la progression par cycle. Le cycle va permettre aux élèves de progresser à leur rythme. J’ai demandé si le cyclage des programmes était personnalisé, et si le programme d’histoire géo, qui a des repères annuels, allait empêcher les élèves de progresser ? Non, aux deux questions.
Les trois formateurs nous ont dit qu’on ne pourrait pas tout faire en même temps de front l’année prochaine : j’ai demandé si on pouvait se dispenser de cycler nos programmes : non, qu’on s’appuie sur les repères de progressivité.
Selon l’IPR la réforme va permettre aux élèves de faire plus de lien entre toutes les disciplines…au travers de notions transversales. Car jusqu’à présent on ne faisait que de la méthodologie en AP et maintenant ça sera plus lié aux disciplines. Là je n’ai pas compris : c’est davantage axé sur le disciplinaire mais en même c’est plus transversal…Et dans tous les exemples présentés l’après midi par les collègues, tout le monde n’a présenté que…de la méthodologie.
Certaines collègues se sont aperçus que leurs ateliers d’aide disparaissaient.
A un moment donné le chef d’établissement a déploré la disparition des bilangues. Un collègue a précisé que les trois collèges privés de Poitiers faisaient tous cette offre. Ça a jeté un froid. J’ai précisé que le privé n’était pas assujetti aux 26 h / élèves. L’IPR a protesté en le niant.
Là encore pour l’AP il faudra davantage se concerter, un collègue a demandé si ces heures seraient payées ; réponse : c’est dans vos missions. Selon l’IPR le travail en équipe permet de gagner du temps individuel de préparation de cours…
L’IPR a rappelé qu’en plus les trois parcours étaient à intégrer dans l’AP. Il a présenté les différentes modalités d’AP : liane, massé etc…Il a rappelé que le recteur et la ministre avaient promis qu’il y aurait les mêmes DGH à divisions égales dans les établissements, et que donc, toutes ces heures postes libérées permettraient de faire de la co-intervention, des groupes etc etc !!!
Ensuite l’IPR a dit que « le programme, je m’en fous, je n’en ai rien à secouer. Si un élève n’a pas fait Pythagore, qu’est-ce que ça peut bien faire ? De toute façon , moi Pythagore je ne m’en sers pas dans la vie de tous les jours ». Un collègue a demandé si cet élève pourrait ensuite entrer au lycée général. Pour ma part j’ai répondu que dire cela à des enseignants, c’était violent, qu’un certain homme politique lui aussi avait dit que ça ne servait à rien de lire La Princesse de Clèves. Une collègue a dit que j’avais mal compris. Une autre est intervenu en disant qu’elle s’était faite taper sur les doigts à l’issue d’une inspection en histoire géographie, car elle était en retard sur son programme. L’après-midi l’IPR a exprimé ses regrets d’avoir formulé cela ainsi.
L’après-midi les formateurs nous ont mis en îlots. Comme nous avions été repérés comme » hostiles », les formateurs se relayaient pour venir à notre table pour voir si on produisait quelque chose. J’ai demandé si je pouvais intervenir sur de l’AP math ( je suis prof de français ) : selon lui, oui. On aide bien nos enfants dans toutes les matières chez nous, on peut bien aider les élèves de la même manière ( sic ! ), il suffit que le prof de math ait fait une séquence que l’on puisse suivre. Les collègues ne voulaient pas ne rien produire, aussi a-t-on proposé un projet « utopique » avec mise en barrettes de 4 matières scientifiques et groupes à 18.
Tous les autres collègues ont présenté des AP, convaincus de leurs propositions. Les projets d’AP seront envoyés à nos chefs d’établissement.
L’IPR nous a montré ce qu’avaient fait nos collègues durant les autres journées : tout le monde avait bien travaillé : barrettes, co-intervention etc…
Une collègue, pourtant motivée, s’est soudain demandé s’il y aurait les moyens pour faire tout ça. J’ai alors rétorqué que l’on nous demandait d’organiser un voyage autour du monde, mais que finalement dans nos établissements on s’apercevrait qu’on a un budget pour aller à La Rochelle ( rires ).
Enfin l’IPR de math nous a présenté les travaux d’un neurologue : Stanislas Dehaene. Entre autres, il est dit que le cerveau doit être régulièrement stimulé et qu’à ce titre, il faut donner du travail personnel à la maison, du travail de prolongement, pas des trucs nouveaux, mais du travail. D’autant que les élèves issus de CSP + sont stimulés, eux, donc par souci d’égalité, il fallait aussi stimuler les plus démunis. Un collègue a alors demandé ce qu’il pensait de la classe inversée. Il a répondu qu’il était très circonspect surtout au collège, car c’est justement ce qu’il ne faut pas faire : donner des notions nouvelles aux élèves, à travailler seuls ( car certains seront aidés ), mais que ça n’engageait que lui. J’ai dit : « Dommage, sur ce point j’étais d’accord avec vous ! » ( rires )
Charente-Maritime (Jonzac) : Novlangue ou langue de bois ?
Quatre formateurs pour une trentaine de professeurs, un taux d’encadrement dont on n’oserait même pas rêver pour nos classes. Sur trois IPR, l’un de philosophie, l’autre de lycée professionnel et pour faire bonne mesure, un professeur des écoles chargés de mission. Bref, il n’y a que l’Ipr d’EPS en définitive qui a sans doute croisé des collégiens dans sa carrière. C’est comme si on recrutait des informaticiens pour enseigner l’Histoire. Ça ne se fait pas, non ? Pas encore ?
On nous explique tout de suite qu’on ne nous apportera pas de solutions toutes faites mais que par « isomorphisme », on va nous faire « ressentir » les choses. On nous dit également que « l’accompagnement pédagogique n’est pas l’accompagnement personnalisé », ce qui nous place face à un « conflit socio-cognitif » tout à fait intéressant. C’est un « changement de posture de l’enseignant » que la réforme vise, pas une révolution. L’important étant de « ne pas essentialiser le mérite ».
Bon, même mon correcteur orthographique n’arrive plus à suivre, vous imaginez ce que ça peut donner dans le cerveau d’un être humain ordinaire, qui, lui, cherche à aller jusqu’au sens des phrases qu’il entend. Qu’on se rassure, les formateurs ont conscience de cette difficulté, c’est pourquoi il y a une affiche sur un mur intitulée « novlangue » sur laquelle on est invité à faire une liste des mots qu’on ne comprend pas. Le titre complet est « Novlangue et gros mots », une petite « joke » entre gens de bonne compagnie, que des collègues terre-à-terre n’ont pas compris, semble-t-il, car il y avait en fin de journée des mots très clairs (et très gros) pour qualifier la formation.
Dans les rares temps d’échanges. Quand on fait preuve d’esprit critique face aux résultats de PISA, on nous explique que les références à cette enquête seront supprimées du diaporama pour les prochaines journées de formation. Quand on nous explique que la réforme tient compte des progrès faits par les sciences sociales, on rétorque qu’il est dommage qu’elle n’ait pas du tout tenu compte des points de vue des gens du métier. Alors on nous répond qu’il n’est jamais trop tard, que les inspecteurs sont des messagers qui porteront au ministère nos revendications. Comme si notre syndicat et sa fédération n’avaient pas déjà fait tout ce qui était possible, au sein d’une large intersyndicale qui plus est.
Pour le reste, le dispositif est pensé pour éviter l’expression directe des professeurs. Avec, par exemple, la mise par écrit en début de matinée de leurs questions sur la réforme pour que les formateurs n’y répondent qu’un quart d’heure avant la fin de la journée. Autre dispositif, un genre de speedating formatif, un faux travail de groupe où pendant 10 minutes six enseignants de différentes disciplines et de différents établissements jettent sur un tableau des mots avant de changer de table car justifie-t-on « les premières réactions sont les meilleures ». Ah bon, réfléchir, ce n’est pas très efficace, c’est passé de mode ?
Mais à part l’incompréhension, quelles réactions avaient les collègues devant une fiche intitulée « tous les élèves sont capables d’apprendre et de progresser » et de deux colonnes à compléter intitulées « ce que je fais » et « ce que je ne fais pas, que j’aimerais faire… ». On partage bien sûr tous le postulat. On a commencé à amender « apprendre » en ajoutant « comprendre » mais une collègue voyant les minutes passer et ne voulant pas rendre copie blanche a tranché, pas besoin de donner du sens à l’activité, on sait ce qu’ils veulent qu’on écrive, on n’a qu’à marquer « travail de groupe » et « différenciation » dans la première colonne. Soit. Dans la deuxième, les collègues ont réussi à glisser qu’ils voulaient des effectifs réduits. Mais de toutes façons qui lira ces fiches ?… Dernier exemple d’activité inutile, dans l’après-midi : on a fait des grilles de compétences comme on aurait pu faire des grilles de mots croisés, pour passer le temps. C’est ludique, dans un premier temps on devait chercher une compétence de nos nouveaux programmes disciplinaires puis l’équivalent dans le socle puis dans un second temps on listait ces compétences et leur faisait correspondre les disciplines qui étaient concernées. Que l’enseignant qui pense avoir construit un outil utile pour le travail en équipe dans son établissement me jette la première pierre…
Bref, autre florilège. On nous présente un dessin qui représente un escalier, on nous explique que ces programmes par niveau étaient trop difficiles à acquérir pour un élève en difficulté. On nous montre une autre schéma, une spirale ascendante qui montre les bénéfices des programmes par cycle. Un toboggan n’est-ce pas a priori plus glissant à remonter que des marches ?
« On change la posture de l’enseignant », nous martèle-t-on. Dos au mur, c’est ça ? Pour le ministère, c’est certain. En orbite ? Quelque part autour de l’apprenant, enfin, des 30 apprenants de la classe, partout, peut-être nulle part…
Tout ça pour nous dire en fait qu’on peut faire de l’AP-liane. C’est-à-dire que quand on ne fait pas du cours magistral ou du cours dialogué, on fait de l’AP, en fait. Ça va mieux alors ! C’est comme la prose de M. Jourdain, on en faisait sans le savoir ! Ouf ! J’ai failli m’inquiéter au sujet de cette réforme, moi !
Charente-Maritime : Affligeant !
Beaucoup de collèges du bassin rochelais ont été conviés, en cette semaine de rentrée, à une journée de formation sur l’AP. C’est sans doute le fait d’avoir été invités avec menace de retrait sur traitement qui a produit une ambiance particulière pendant toute la matinée : silence étonnant, quasiment pas de prise de notes chez beaucoup de collègues, très peu de questions. Autant dire, une envie d’en finir au plus tôt ! Même la proposition de prendre le repas dans l’établissement n’a produit que peu d’adhésions, principalement celles des collègues qui y travaillent. L’esprit n’était pas aux moments de convivialité.
Une collègue a timidement regretté l’absence d’un tour de table pour que l’on puisse se présenter et exprimer ses attentes (le cas échéant). Il faut dire que l’exercice était risqué pour nos formatrices qui avaient prudemment choisi le déminage comme mode d’action, le moyen le plus consensuel étant de ne pas faire de vagues.
Ainsi, et sans aborder le fond ( celui que l’on va toucher?) ou l’esprit ( s’il y en un!) de la réforme , nos formatrices dont une IPR ont choisi l’absence de contenu.
Certes, il y a eu la lecture de quelques diapositives sur l’AP, mais surtout de longs discours de l’IPR pour masquer le néant et qui en disent long sur la foi qui ne l’habite pas.
Citons quelques extraits remarquables :
– « Tous les élèves sont différents ; ils n’apprennent pas au même rythme » ( ooooh, on ne savait pas!) Et une longue explication suivit sur les bienfaits multiples de la « dictée-jogging » pour appréhender l’hétérogénéité. Des documents variés sur les tâches complexes ont été présentés sans lien véritable avec l’objet de la formation.
- « En AP, vous faites ce que vous savez déjà faire » .
- « De toute façon, on ne sera pas performants à la rentrée, on verra plutôt dans deux ou trois ans ».
- Vous faîtes un peu ce que vous voulez, l’essentiel est que ce soit fléché comme AP sur le cahier de textes électronique; c’est important pour le chef d’établissement et les parents.»
L’après-midi fut consacré à un travail en ateliers pour réfléchir à la façon de mettre en œuvre l’AP dans son établissement, les collègues se voyant infliger lors de la restitution un corrigé pré-conçu. Un moment qui ne fut vécu que par ceux qui avaient eu la force de rester, d’autres, excédés ou désemparés, ayant déjà quitté les lieux.
Mais pour l’AP que fait-on ? On attend Godot…
Vienne : Formation collège : un vide insondable
Non, finalement, la formation « nouveau collège » ne sera pas du formatage, ce sera…du vide.
Retour d’expérience : présentation par l’IPR de quelques transparents très généraux, où l’on apprend, pour la énième fois, qu’un élève sur 5 ne maitrise pas la lecture en 6ème, où l’on pleure ensemble sur les 10 % de collégiens pauvres…et où l’on découvre que l’inspecteur ne maitrise pas vraiment les sigles.
Puis la méthode des tableaux vides : « accompagner les élèves » : une colonne pour ce que l’on fait déjà et une colonne sur ce que l’on pourrait faire, et allez-y…ramassage des copies en fin d’heure.
Devant l’inanité, la vacuité, le vide quasi-sidéral de cette formation, nous avons quand même demandé ce que nos formateurs entendaient par accompagnement éducatif : pas de réponse. En revanche, il précise que son rôle est de nous accompagner…et là nous réalisons que nous sommes entré dans la 5ème dimension, dans un monde que nous ne soupçonnions pas. Nous en sommes ressorti à 16h, toujours ignorants.