Pilotage contraignant des pratiques pédagogiques et externalisation du traitement de la difficulté scolaire sont au programme de la rentrée 2023.
Dans les médias, le ministre promet des groupes à effectifs réduits de renforcement et d’approfondissement en mathématiques ou en français, à raison d’une heure par semaine, où interviendraient des professeur·es des écoles (PE) sur la base du volontariat. Mais dans le communiqué du ministère, il n’est plus question que de regroupements interclasses (entières !) par niveaux. On peut légitimement douter de la disponibilité de PE, même volontaires, déjà en charge de leur classe pour intervenir au collège. Collectif de travail de la classe et séquences d’enseignement éclatés, intervenant·es supplémentaires, voilà qui va simplifier le passage au collège !
Dans l’académie de Lille, la rectrice aurait demandé que les chefs d’établissement bloquent des heures de leur dotation globale pour financer ces heures. Car il ne s’agit pas d’ajouter une 27ème heure aux 26 heures actuelles (qui résultent de la réforme du collège de 2016 et de la suppression des 2 heures d’aide au travail personnalisé), mais de rogner sur les apprentissages. Par voie de presse dans le quotidien régional Ouest France du 12 janvier 2023, le ministère précise que cette heure serait prise sur une heure de technologie en Sixième « L’heure de soutien remplacera une autre, actuellement fléchée sur les cours de technologie. En compensation, le ministère prévoit de renforcer l’enseignement de cette matière durant le cycle 4 – de la 5e à la 3e – en repensant ses contenus, en particulier sur « l’apprentissage de l’autonomie numérique, du code informatique, ou des notions de robotique », détaille Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire. », tout cela en contradiction avec l’organisation de l’enseignement des sciences et de la technologie en Sixième que le ministère promeut. Au moment où, dans les collèges la préparation de la rentrée 2023 se déroule, les personnels apprécieront le mépris du ministère pour leur travail. Quant à la promesse d’un renforcement de la technologie sur les autres niveaux… le SNES-FSU reste dubitatif car la suppression d’une heure « fléchée sur les cours de technologie » permet surtout de compenser la pénurie de professeurs de technologie institutionnalisée par le ministère avec la fermeture du CAPET.
Le ministre s’appuie sur les évaluations nationales de Sixième pour importer au collège les injonctions sur les savoirs fondamentaux, une approche dogmatique qui n’a pourtant pas fait ses preuves dans le premier degré, qui attaquera méthodiquement la cohérence des savoirs disciplinaires. C’est un pas de plus vers la primarisation du collège par les contenus, les pratiques, le management avant une possible fusion des corps de PE et des PLC affecté·es en collège. C’est aussi laisser croire que les PE seraient les seul·es spécialistes de la difficulté scolaire.
Par ailleurs Devoirs faits deviendra obligatoire pour tous les élèves de Sixième, là encore, sans budget supplémentaire. Ce dispositif se déroulera donc en classe entière, se réduisant à des études surveillées sans que l’intervenant.es ait le temps d’aider vraiment les élèves les plus fragiles.
A l’assaut de la liberté pédagogique
Dans la continuité du ministère précédent, le ministère publie une série d’injonctions pédagogiques dans pas moins de cinq circulaires au Bulletin officielle du jeudi 12 janvier 2023 concernant l’école maternelle, le Plan mathématiques de l’école au lycée, le « renforcement de la maîtrise des savoirs fondamentaux » au cycle 3 pour « facilité » l’entrée au collège ( lire l’analyse du groupe lettres du SNES-FSU) , la création d’un conseil académique des savoirs fondamentaux.
Le Plan mathématiques, le nouveau vade-mecum Devoirs faits et les circulaires publiées récemment, multiplient les injonctions pédagogiques au mépris des programmes. Le Conseil académique des savoirs fondamentaux (CASF) est une nouvelle instance qui mettra en place des plans d’actions pour renforcer les apprentissages des savoirs fondamentaux sur la base notamment des évaluations nationales, avec des IA-IPR qui s’inviteront dans les classes pour vérifier la mise en pratique des prescriptions sur le terrain. Tout se prépare pour transformer les professeur·es concepteur/trices de leur enseignement en simples exécutant·es appliquant des procédures pédagogiques technicistes et formatées.
Hors sujet
La conception de l’enseignement du ministère va à rebours des besoins. En collège, en 10 ans, la part des classes de plus 30 élèves a doublé dégradant les conditions d’apprentissage des élèves et des personnels alors qu’il ne faudrait pas plus de 24 élèves par classe (et 20 en éducation prioritaire). Plutôt que d’externaliser le traitement pédagogique des difficultés scolaires à travers des dispositifs comme Devoirs faits aux collège, l’aide aux élèves doit se faire avant tout, dans la classe, par les enseignants. Outre des effectifs raisonnables cela nécessite des moyens permettant d’organiser dans toutes les disciplines du travail en groupes à effectif réduit
Si des difficultés existent en 6eme, ne serait-il pas nécessaire de les enrayer avant ? C’est notamment avec l’abaissement des effectifs dans toutes les classes de l’école primaire, la mise en place d’enseignants supplémentaires mais également en réabondant les postes d’enseignants de réseau d’aides pour permettre de traiter la difficulté scolaire dans les classes que cela doit se faire.
Se mobiliser pour porter une autre ambition pour l’École
Face à un projet présidentiel qui ne règle en rien le problème de la difficulté scolaire et des inégalités, des mesures qui ne portent aucune attention aux conditions de travail des personnels, les syndicats enseignants de la FSU (SNUipp-SNES-SNEP-SNUEP) portent une tout autre ambition pour l’École : baisse des effectifs, traitement des difficultés scolaires dans la classe notamment grâce à des moyens fléchés (enseignants supplémentaires, RASED …), autant de mesures nécessaires pour améliorer l’inclusion. C’est un véritable plan d’urgence qu’il faut pour l’école. La FSU se mobilisera le 17 janvier pour revendiquer une revalorisation salariale sans contrepartie et une amélioration des conditions de travail des personnels