Le ministère s’est montré encore bien inspiré en inventant un nouveau dispositif concernant l’orientation des lycéens.
Après les « Semaines de l’orientation« , un plan d’action a été communiqué en janvier par le MENJS pour la mise en place du « Printemps de l’orientation« , comptant dans les 54 heures dédiées à l’orientation.
Un projet piloté par la DEGESCO et parachuté dans les académies
Il s’agit d’une opération en direction des élèves de 2nde et de 1ère de lycée général et technologique (voire de la voie professionnelle) libéré-es de cours et placé-es en autonomie, en raison des épreuves d’enseignements de spécialités des élèves de Terminale. Mais malgré leur suppression, l’opération est maintenue et de surcroît à distance ! Les équipes éducatives, en particulier les professeurs et les PsyEN doivent être mobilisé-es pour la préparation et pour l’exploitation de ce temps fort qui doit déboucher pour chaque élève sur un « plan d’action » pour son projet d’orientation.
Les enjeux de cette opération
– Cette proposition éloignée du terrain laisse à penser que rien n’est organisé dans les établissements pour l’accompagnement des élèves dans la construction de leur projet d’orientation. Les PsyEN, qui proposent chaque début d’année scolaire un programme d’activités élaboré en lien avec la direction et les équipes éducatives, n’ont pas attendu ces opérations de communication et d’affichage pour aider les élèves à réfléchir à leur projet d’orientation.
– Est-ce que les élèves dans la période actuelle ont besoin de consacrer 27 heures de leur temps scolaire à ce dispositif ? Est-ce qu’il ne serait pas pertinent qu’ils·elles puissent bénéficier d’enseignements disciplinaires et d’accompagnement personnalisé pour rattraper le retard accumulé en raison du confinement et de l’enseignement à distance ? Ce dispositif prévu au départ sur la période des épreuves de spécialités avait comme objectif de vider les établissements scolaires des élèves de 2nde et 1ère afin de faciliter l’organisation de ces épreuves.
On peut s’interroger sur ce qui conduit le MENJS, alors que les épreuves sont supprimées, à décider que les élèves resteront chez eux pour réfléchir à distance à leur orientation au lieu de venir au lycée. La promotion par le MENJS de nombreuses startups et organismes privés proposant via le numérique, du mentorat et du tutorat, des tests d’orientation, des séquences clés en main contient une bonne partie de la réponse ! C’est un bon moyen pour imposer un nouveau « traitement » des questions d’orientation au collège et au lycée.
L’objectif de ces structures n’est bien évidemment pas gratuit, ni sans conséquences : récupération des données personnelles, proposition de services payants, appels à subvention.
S’il y a des gagnants dans cette opération, ce ne seront certainement pas les élèves, qui non seulement perdront des heures de cours mais encore ne trouveront pas l’aide personnalisée et qualifiée indispensable pour avancer sur leur projet.
Qui peut croire que mettre les élèves devant l’ordinateur pendant 18 heures les aidera à construire leur projet d’orientation ? Il n’existe pas de « bonnes pratiques » en orientation. Les outils « clés en main » ne prennent pas en compte le développement psychologique de chaque adolescent, sa temporalité et ses besoins différenciés liés à son origine sociale et à sa situation particulière, qui impactent sa projection dans l’avenir. Cet accompagnement nécessite un échange approfondi et qualifié et passe par le recrutement de PsyEN (actuellement 1 PsyEN pour 1500 élèves en moyenne).
Une initiative coupée de la réalité des établissements imposant sa conception de l’orientation
En multipliant ce type d’opérations, le ministère continue sa mise à mal du service public d’orientation de l’Éducation nationale. Non seulement il impose sans concertation une organisation contestable mais exige des CIO dans la précipitation qu’ils assurent le suivi de l’opération ! Il réduit une fois encore l’élaboration d’un projet d’avenir à de l’information en privilégiant une approche adéquationniste et très peu ambitieuse pour la jeunesse.
Enfin, si les régions ont désormais la mission d’informer les élèves sur les formations et les métiers, elles ne semblent pas avoir pris la mesure du travail de mise à jour et d’exhaustivité que cela requiert. Beaucoup d’entre elles ont fait le choix de ne plus éditer de brochures « Troisième » et « Terminale » et de privilégier la seule version numérique bien moins coûteuse, au risque d’aggraver les inégalités d’accès à l’information malgré les demandes des équipes éducatives et des PsyEN.
La volonté de pérennisation du printemps de l’orientation est un très mauvais signe pour le service public d’orientation
Élèves livrés aux startups en orientation financées et valorisées par le MENJS, enseignants surchargés, PsyEN marginalisés, voilà ce qui doit nous conduire avec le SNES-FSU à exiger que les élèves bénéficient de leurs heures de cours et que les enseignants et les PsyEN puissent réaliser leurs activités prévues auprès des élèves selon leurs missions respectives !