Pour le SNES-FSU, il y avait d’autres choix à faire. Mais en restant prisonnier du refus de remettre à plat la réforme du lycée, le Président la condamne à de nouveaux ajustements. Jusqu’à quand ?
C’est finalement E. Macron qui a présenté l’arbitrage attendu du nouveau ministre sur la mise en oeuvre de la promesse d’une réintroduction de mathématiques pour toutes et tous en Première à la rentrée 2022. Au-delà de ce que la forme comme le fond disent déjà de la marge de manoeuvre de ce dernier, l’annonce présidentielle a surtout pour objet de masquer la renonciation du Président à la promesse du candidat Macron pour la rentrée. Pour le SNES-FSU, il y avait d’autres choix à faire. Mais en restant prisonnier du refus de remettre à plat la réforme du lycée, le Président la condamne à de nouveaux ajustements. Jusqu’à quand ?
Pour répondre aux multiples problématiques liées à la disparition des mathématiques du tronc commun de la voie générale, dès la Première, l’exécutif disposait a priori de 4 possibilités. L’entêtement obstiné de J.M. Blanquer à ne pas ouvrir, contre vents et marées, le dossier de la réforme du lycée, et envisager enfin sa remise à plat, continue d’enfermer toute réflexion sérieuse dans un carcan de 3 possibilités, qui conduisent toutes à des difficultés qui ne manqueront pas d’appeler de nouveaux ajustements sous peu, sauf à laisser perdurer les effets délétères de la réforme, désormais connus de tous depuis 6 mois, ne serait-ce que par les débats autour des mathématiques.
Ne rien faire ?
C’était la piste évidemment intenable, tant les mathématiques ont révélé les défauts structurels et congénitaux de la reforme du lycée : sélection précoce accrue, accroissement des inégalités sociales dans les choix de parcours avec ou sans mathématiques dans une logique de renoncement à suivre des enseignements, développement insupportable des inégalités de genre, restrictions sur les poursuites d’études, scientifiques qui font craindre aux sociétés savantes, mais aussi désormais aux « capitaines d’industrie » et à de Grandes Ecoles une pénurie d’étudiants suffisamment formés en mathématiques. Le constat a gagné l’opinion publique, et tout le monde savait le statu quo impossible. Cette possibilité théorique, qui vient donc d’être logiquement écartée, n’était plus guère retenue – et encore, qu’à titre provisoire – par les organisations représentatives des personnels de direction, et essentiellement pour des questions organisationnelles. Elle n’était de tout façon pas tenable dans la durée et avait été déjà clairement enterrée en grande pompe par le candidat et désormais président réélu E. Macron qui a fait campagne sur le retour des mathématiques pour toutes et tous dans la voie générale.
Réintroduction dans le tronc commun ?
C’était la piste préconisée par le Comité Mathiot, et probablement la moins mauvaise pour qui ne veut pas revoir l’architecture du lycée, même si elle était déjà particulièrement mal engagée. Trop précipitée pour éteindre d’incendie, elle n’était accrochée à l’enseignement scientifique que parce qu’il fallait que cette nouvelle entaille dans la réforme du lycée ait l’air de se couler naturellement dans son moule. Les consultations avec la DGESCO et l’Inspection générale ont montré qu’il ne pouvait s’agir là que d’un habillage, tout le monde convenant de la nécessaire indépendance de cet enseignement et de l’heure et demie artificiellement rajoutée à l’enseignement scientifique : esprit, modalité, forme des programmes, volonté d’en faire un tremplin vers les mathématiques complémentaires, de réconcilier les élèves, rien n’y est en rapport avec les intentions ou les contenus de l’enseignement scientifique à proprement parler.
Pour autant, cette voie s’est révélée éminemment difficile à pratiquer, en raison du retard pris dans la réflexion par le blocage idéologique de J.M Blanquer avant de s’y résoudre sous la contrainte.
Si ce bricolage avait l’avantage de remettre des mathématiques pour toutes et tous en Première, son horaire restait insuffisant, et son articulation bancale avec la Spécialité mathématiques avait déjà conduit à envisager une mise en place en 2 étapes : pour les élèves ne suivant pas la Spécialité à la rentrée 2022, pour tous en 2023. Elle imposait une réécriture des programmes de Spécialité, et de Seconde, qui paraissait jusque-là acquise. Ces programmes le nécessitent sans doute intrinsèquement, et le Ministère y a peut-être aussi vu un temps l’occasion de masquer leur conception elle aussi défaillante (programmes inadaptés, trop lourds, etc), et de camoufler au passage ce replâtrage (un de plus …) nécessaire. Technique bien connue des fabricants informatiques de systèmes défaillants : fusionner plusieurs problèmes pour en diminuer le nombre, ne pas ouvrir de brèche dans le mythe, déjà largement écorné, de l’infaillibilité de la réforme Blanquer, en profitant d’une mise à jour médiatisée pour traiter d’autres problèmes en toute discrétion.
Elle était cependant également potentiellement explosive pour des élèves qui ont délibérément renoncé aux apprentissages en mathématique depuis le début de la Seconde (voire parfois avant …), faisait planer nombre d’incertitudes sur les choix des Spécialités par les élèves qui auraient pu être remis en cause à la mi-juin, et posait la question des moyens (humains, plus que budgétaires), et des répartitions de service et des répartitions de volumes supplémentaires d’heures supplémentaires.
Resterait sans doute son programme, impossible à construire de manière à répondre simultanément à tous les objectifs que poursuit l’introduction de ce nouvel enseignement, et qui se traduit par un projet de programme qui renvoie aux collègues, sommés, sur le terrain et en 1h30, de palier, par injonction officielle, de lever l’insolubilité du problème par la « différentiation » élevée au rang de mantra dans le projet de programme, ce que nous avons largement dénoncé.
La piste de l’option Mathématiques en Première
Cette idée, sortie du chapeau ces derniers jours, est finalement retenue pour la rentrée 2022. C’est avant tout la demi-mesure des deux précédentes, mais est-ce pour autant la bonne solution ? Et quelle est sa pérennité ? Sera-t-elle consacrée dans ce statut hybride ? Combien de temps ? Le ministère affiche un caractère transitoire, pour une seule année, mais sa communication ambiguë sur un enseignement “de tronc commun” « en option » laisse un flou.
Si ce choix peut déminer un peu la rentrée 2022, objectif qu’elle poursuit visiblement en apparaissant limiter les incertitudes sur les services, rien ne prémunit les établissements d’un abandon par les élèves de la Spécialité de Première, ou au contraire son (bien mois probable) renforcement, puisque personne n’est aujourd’hui en capacité d’anticiper ces flux. Le ministère craint visiblement une fuite des élèves de la Spécialité vers l’option nouvelle créé, et invite explicitement les collègues à freiner ce mouvement. La réintroduction immédiate, même pour une fraction des élèves, avait au moins pour elle la prévisibilité des effectifs… Au passage, la question du financement de cette option reste posée à ce stade : quelles garanties le ministère pourra-t-il apporter aux lycées, qui financent déjà pour partie sur leur marge les options Mathématiques complémentaires et Mathématiques expertes de Terminale.
Il y a en revanche fort à parier que cette option qu’elle ne manquera pas de reproduire les effets déjà constatés avec l’option Maths complémentaires de Terminale : risque d’en faire une filière marquée selon les milieux sociaux, ou une forme de filière de « mathématiques pour les filles » qui ne dit pas son nom, risque d’alimenter le renoncement à suivre un enseignement de mathématiques plus exigeant, … Sans parler du piège qu’elle représentera pour des élèves qui la choisiront en croyant qu’elle permet de pallier à un choix de Spécialités excluant la Spécialité mathématiques dès la Première, alors que son contenu, s’il reste en l’état du projet de programme, et avec un volume de 1h30, ne permettra jamais de pallier ce manque. Il ne suffira pas non plus à assurer un parcours réussi en Mathématiques complémentaires en Terminale. Bref, cette option a probablement été retenue parce qu’elle semble minimiser à court termes les impacts incontrôlable d’un nouveau justement bien tardif, sans les éliminer tout à fait. Elle évite à E. Macron de se dédire totalement d’emblée, ce qui aurait entamé encore un peu plus un début de mandat bien plus difficile que le précédent, mais son annonce à Marseille n’est pas si éloignée de la galéjade. On peut en particulier craindre une mesure vide d’effets concrets compte tenu de la date de son annonce : combien d’élèves la suivront-ils, à l’aveugle ?
Mais, pour les mathématiques comme ailleurs, une moins mauvaise solution n’est toujours pas une bonne solution, et cette piste peut aussi bien masquer un enterrement de première classe de la promesse de E. Macron d’ici un ou deux ans, après que l’orage sera passé. Enfin, laisser les mathématiques de Première perdurer sous la forme d’une option ne ferait qu’aggraver les effets de la réforme du lycée : le SNES-FSU veillera à ce qu’il n’en soit rien, et continuera à exiger que la pérennité de cet enseignement indispensable dépasse le cadre de la simple option, et qu’il soit assuré le plus rapidement possible pour tous les élèves.
Il y a pourtant une véritable issue !
C’est évidemment celle que nous portons depuis le début : une remise à plat de la réforme du lycée. Après tant de retouches, de rustines, de dispositifs bancales, de fausses solutions, et de tâtonnements dangereux au mépris des élèves réduits à des cobayes, promotion après promotion, il est plus que temps de regarder la réalité en face et de siffler la fin de la partie : le lycée, les élèves ne peuvent plus, ne doivent plus, attendre. En mathématiques, comme dans la vie, reconnaître et apprendre de ses erreurs est la seule voie de progrès ! Ne pas s’y résoudre et rester dans un dogmatisme tout blanquérien enverrait le signal très clair, et probablement définitif, d’une action du nouveau locataire de la rue de Grenelle dans les plus stricts pas de son prédécesseur. Sa nomination aurait alors épuisé tous ses effets, et apparaîtrait pour ce qu’elle est, un leurre pour gagner du temps face à la colère de la profession, des parents, des élèves. Il y a pourtant urgence à sortir de l’impasse du lycée Blanquer !
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