Deux mois après la rentrée, l’institution semble prête à tout pour faire signer du pacte. Une politique du chiffre aux antipodes des besoins de l’Ecole et qui ne répond en rien à l’exigence de revalorisation des personnels.
Les premiers chiffres de la rentrée
Pap Ndiaye avait annoncé un objectif de 30 % de professeurs pactés. Quatre semaines après la rentrée, le constat est sans appel : 75 % des professeurs n’ont pas signé le Pacte selon les chiffres du ministère. La campagne #NonAuPacte lancée par le SNES-FSU au printemps dernier a donc porté ses fruits. On notera que depuis ces premiers chiffres ministériels, dans les académies, les rectorats ont diffusé des chiffres utilisant une autre unité : l’administration ne parle plus en % de professeurs qui ont signé le Pacte mais en % de briques consommées. Et comme un professeur peut prendre plusieurs briques, les chiffres frémissent….Vous avez dit tour de passe-passe ?
Une bonne partie de la profession partage nos arguments : le pacte n’est pas de la revalorisation, il organise une forme d’astreinte des professeurs sur le remplacement de courte durée, il alourdit la charge de travail et transforme en profondeur la nature de nos métiers en s’attaquant au statut.
Un fonctionnaire, ça ne s’achète pas !
Le statut de fonctionnaire fonde l’intérêt général. Les fonctionnaires ne signent ni contrat de travail ni lettre de mission mais sont recruté∙es au sein de corps de la fonction publique dont les missions, les qualifications qu’elles requièrent, les obligations de service, les modalités d’évaluation, la carrière sont définies par un ensemble de textes : les statuts. Certains relèvent de la loi : ils instituent la Fonction publique comme étant au service de la Nation. D’autres relèvent du domaine réglementaire : ils mettent en œuvre ce cadre légal. Les contrats des agent∙es contractuel∙les de droit public sont encadrés par des textes qui déclinent ces dispositions. |
Une institution aux abois, prête à tout pour sauver le pacte
Le pacte est donc un échec et n’a pas marché. Un affront insupportable pour celles et ceux qui l’ont conçu, de l’équipe de campagne du candidat Macron jusqu’au ministère de l’Education nationale. A partir de la fin septembre, on constate alors une fuite en avant de l’institution, prête à tout pour faire signer du pacte et faire du chiffre.
Worst of pacte – saison 2
Petit florilège à partir de témoignages de collègues :
- des briques de pacte Devoirs Faits qui apparaissent sur les VS sans que le collègue concerné n’ait manifesté une quelconque volonté d’assurer Devoirs Faits via le Pacte. Ou comment le Pacte transforme les HSE en brique de pacte (mais sans faire revenir l’être aimé).
- le RCD (remplacement de courte durée) n’est plus prioritaire pour certains chefs d’établissement et même certains recteurs, en contradiction totale avec les textes règlementaires. Dans un lycée, il a même été indiqué aux professeurs que le décret RCD n’était pas à prendre en compte car signé avant l’arrivée du ministre qui ne l’a donc pas validé !
Cet assouplissement permet alors de faire signer des pactes projets (parfois là aussi dans des conditions très éloignées des textes en vigueur, cf ci-dessous) ou Devoirs Faits, en faisant gonfler les chiffres. Faire du chiffre en s’asseyant sur les textes règlementaires, on pensait que c’était l’apanage des certaines entreprises, on découvre que c’est désormais une pratique répandue dans l’Education nationale.
- Des briques RCD proposées pour assurer des remplacement de longue durée : face au manque de TZR ou de contractuels, il est proposé à des professeurs en poste dans l’établissement d’assurer un remplacement de plusieurs mois en étant rémunérés par le Pacte. Ou quand la notion de « courte durée » devient à géométrie variable pour faire du chiffre et camoufler la pénurie de personnels que le ministère est incapable d’endiguer.
- Des incitations à prendre le Pacte en promettant qu’aucun contrôle ne sera fait sur la réalité des heures vraiment réalisées. L’argument de vente entendu dans différentes académies « prenez le Pacte, personne ne viendra vérifier si vous avez fait les 18 ou 24h et vous serez payé par une brique complète ». La Cour des comptes sera ravie d’apprendre que le ministère fait le choix de s’asseoir sur les règles de gestion de l’argent public dans le seul et unique but d’augmenter le nombre de signataires.
- Des briques de Pacte vendues sur d’autres missions que celles prévues par les textes : ainsi, face à la pénurie de professeurs principaux, certains chefs d’établissement ont tenté de rendre cette mission plus attractive en proposant un package rémunération par la part variable de l’ISOE + une brique de pacte (sous couvert de projets innovants). Le ministère nous a confirmé que, dans cette hypothèse, le professeur pacté devra rendre l’argent du pacte, ne pouvait être rémunéré deux fois pour une même mission.
- La mission « Coordination et prise en charge des projets d’innovation pédagogique » devient un fourre-tout, puisque tous les projets ou clubs, missions passées ou à venir semblent pouvoir y rentrer, là encore au mépris des orientations de la note de service : organisation des journées sportives de rentrée, organisation d’un club « journal », club échec…
Le RCD, pacte panique !
C’était la promesse d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal « garantir que chaque élève, chaque jour de l’année, aura un professeur face à lui » (G.Attal lors de son arrivée rue de Grenelle), et le Pacte devait être l’instrument pour tenir cette promesse. Non seulement la promesse n’est pas tenue mais lorsque le RCD est mis en place via le Pacte, c’est bien souvent au mépris de ce qu’est le remplacement : un acte pédagogique qui ne s’improvise pas.
Mais là encore, les yeux rivés sur les indicateurs chiffrés de pactes signés, de RCD assurés, le ministère ferme les yeux sur le remplacement à la sauce Pacte : des heures qui sont assurées par un professeur qui n’est pas de la même discipline, voire pas de la classe, voire même dans une discipline que ne suivent pas les élèves en temps normal. Ce qui compte aux yeux de l’institution, c’est d’afficher triomphalement une baisse du nombre d’heures « perdues », peu importe à quel prix pour les élèves !
Et maintenant ?
Ce deuxième bilan confirme l’échec du pacte : une bonne partie des personnels n’y adhèrent pas et les petits arrangements de l’institution montrent à quel point l’objectif politique a pris le pas sur les considérations pédagogiques. Notre système éducatif mérite mieux que ce bricolage permanent où il faudrait se réjouir qu’une heure de mathématiques a été remplacée par une heure d’anglais par un professeur que les élèves ne connaissent pas.
En début d’année, le ministre, interpellé par le SNES-FSU s’est dit prêt à des évolutions. Nos exigences sont claires : abandon du Pacte et utilisation du milliard d’euros pour des mesures sans contrepartie. C’est ainsi que le système éducatif pourra retrouver un fonctionnement serein, dans l’intérêt des élèves et non d’un objectif politique, tout en avançant sur l’absolue nécessité de la revalorisation des personnels. Après avoir gagné le premier set, gagnons le match !