Le mercredi 8 novembre 2023 s’est réuni un groupe de travail sur l’attractivité du métier, le premier chantier porte sur la «  formation et entrée dans le métier  ».

Le ministre Gabriel Attal met sur la table un énième projet de réforme de la place du concours en occultant volontairement la question des salaires. Aucun bilan des réformes Blanquer sur la formation initiale et l’entrée dans le métier n’est envisagé alors qu’elles ont considérablement dégradé la situation des étudiant·es et des lauréat·es des concours. Les volumes de formation dans le cadre des Master MEEF y ont en outre été à nouveau réduits d’environ 10% par cette réforme, conduisant à une baisse globale de l’ordre de 20% depuis 2010, et systématiquement au détriment de la maîtrise disciplinaire.

1) Le constat

Les concours

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, le nombre de postes ouverts aux concours du CAPES (externe, 3ème concours, interne) a chuté de 23%. Cette chute du nombre de postes ainsi que la réforme Blanquer, qui a déplacé le concours du M1 au M2 sans assurer un pré-recrutement et une revalorisation du métier, ont fortement déstabilisé les viviers de recrutement.

Ainsi, le nombre d’inscrit·es aux concours du CAPES a chuté de 41% entre 2017 et 2023 ne permettant pas de pourvoir l’ensemble des postes (nombre de postes pourvus sur le total des postes ouverts est de 77% à la session 2022 et 82% à la session 2023) laissant des milliers d’élèves sans professeur·es et permettant au Ministère d’augmenter la part de contractuel·les au détriment des recrutements statutaires.

La réforme Blanquer des concours et de la formation initiale a été très largement combattue par le SNES et la FSU : elle laisse notamment les étudiant·es de M2 face à une année impossible où il faut se « détripler » pour préparer le concours, valider son master, tout en assurant des heures en établissement scolaire (tiers-temps en pleine responsabilité pour les étudiant·es contractuel·les alternant·es, ou stage d’observation et de pratique accompagnée).

Dans l’ensemble des disciplines, le nombre d’inscrit·es aux CAPES externes a lourdement chuté. Cette situation s’explique par la faiblesse des traitements, l’entrée dans le métier par la précarité contractuelle, la lourdeur de l’année de M2 qui épuise les étudiant·es et la dégradation des conditions de travail.

La rémunération

La rémunération des entrant·es dans le métier (et des professeur·es à tous les niveaux de la carrière) n’a cessé de décrocher par rapport au SMIC en raison de la sous-indexation puis du gel du point d’indice.

En 1990, un·e professeur·e certifié·e commençait sa carrière avec un traitement équivalent à 1,9 SMIC et la terminait avec un traitement équivalent à 3,8 SMIC. En 2020, ces rapports n’étaient plus respectivement que de 1,6 SMIC (-16%) et de 2,7 SMIC (-30%).

La baisse continuelle du traitement des enseignant·es relativement au SMIC participe du déclassement des personnels ; ainsi, le salaire effectif moyen d’un·e enseignant·e en collège ne correspond qu’à 83% des revenus des actifs et actives dîplomé·es d’une licence (L’État de l’école, DEPP 2023). Cette situation inacceptable est la principale raison du désintérêt des diplômé·es pour les concours de l’enseignement et de l’éducation.

De plus, au sein même de la catégorie A de la Fonction Publique d’État (FPE), les professeur·es certifié·es sont parmi les moins bien rémunéré·es. Ainsi, le salaire net moyen d’un·e professeur·e certifié·e n’est que de 2779€ mensuels (note DEPP n° 23.34, juillet 2023) contre 3840€ mensuels pour la catégorie A de la FPE hors enseignant·es (INSEE PREMIÈRE n°1955, 29/06/2023), soit 1061€ net manquant sur la fiche de paye des certifié·es chaque mois.

Dans ce contexte, une vaste revalorisation du traitement des enseignant·es est indispensable.

2) Les trois scénarios du Ministre

Pour les concours du second degré (hors agrégation) le ministre envisage trois scénarios  :

  • Un statu quo
  • Le retour du concours au niveau Bac+4
  • Le déplacement du concours au niveau Licence

Le concours en L3

C’est ce dernier scénario qu’il souhaiterait déployer dès la rentrée 2025. Le déplacement du concours au niveau Licence s’accompagnerait d’un stage de deux ans au lieu d’un seul : l’année de M1 se ferait sous statut d’élève-fonctionnaire (25% d’observation et 75% de formation ; rémunérée à l’indice majoré 361), l’année de M2 sous statut de fonctionnaire-stagiaire (50% en responsabilité de classe et 50% de formation  ; rémunérée à l’indice majoré 390).

Dans l’immédiat, M. Attal n’apporte aucune réponse aux questions du SNES-FSU sur la nature des épreuves de concours et la qualification obtenue à la titularisation.

Le SNES-FSU conteste un concours de recrutement l’année de la L3 pour le second degré. Ce serait un recul dans la garantie de la maîtrise disciplinaire que doit conférer un concours qui n’est pas passé uniquement par des étudiant·es. Elle est pourtant essentielle pour l’exercice de nos métiers en collège et lycée car déterminante pour faire entrer les élèves dans les apprentissages et les aider à surmonter leurs difficultés.

De plus, il y a bien un risque de voir se détourner des concours les étudiant·es diplômé·es de Master 2 hors MEEF, soit près d’un·e lauréat·e sur deux à la session 2023 du CAPES. Ce serait en outre un frein à la promotion interne pour accéder à l’agrégation. Le SNES-FSU porte en effet la revendication d’un niveau élevé de formation et de rémunération pour tous et toutes les enseignant·es avec la perspective qu’ils et elles soient à terme recruté·es « toutes et tous agrégé·es ».

Par ailleurs, les deux années de formation après concours que propose M. Attal ne pourraient qu’augmenter la mainmise de l’employeur sur leurs contenus et leur pilotage, le ministère ne cessant de répéter que la formation actuelle ne répond pas aux « attentes de l’institution ». Le SNES-FSU rappelle que les enseignant·es sont concepteurs et conceptrices de leurs métier et non de simples exécutant·es de « bonnes pratiques ».

3) Le scénario porté par le SNES-FSU

Le bilan de la situation actuelle

Le SNES-FSU considère que la situation actuelle des concours n’est pas du tout satisfaisante. Si un haut niveau de qualifications est bien assuré par le concours placé en fin de Master, les viviers de recrutement ne sont pas sécurisés par un pré-recrutement rémunéré et un plan pluri-annuel de recrutement permettant de donner de la visibilité aux étudiant·es qui souhaitent devenir enseignant·es. L’année de M2 MEEF est, quant à elle, une année de souffrance pour les étudiant·es  : pour le SNES-FSU, l’entrée dans le métier par le contrat est incompatible avec la revalorisation du métier et va à l’encontre du statut de fonctionnaire  !

Le stage à temps complet pour les lauréat·es des concours passé·es par un master MEEF ne permet pas non plus une entrée progressive dans le métier, un temps de travail raisonnable et un temps suffisant de formation initiale.

Alors que le métier nécessite un haut niveau de qualifications universitaires et didactiques pour disposer d’enseignant·es concepteurs et conceptrices de leur enseignement, placer les concours au niveau licence ne constitue par une solution à la crise de recrutement.

Le « quatrième » scénario du SNES-FSU

A rebours, pour redonner de l’attractivité au métier et mettre fin à la crise de recrutement, le SNES-FSU propose un «  quatrième scénario  » (schématisé ci-dessous), fondé sur un plan pluriannuel de recrutement, avec le principe de pré-recrutements dès la licence, la diversification des voies d’accès, l’entrée progressive dans le métier qui ne passe ni par le contrat ni par l’emploi des étudiant.es comme moyens d’enseignement, avec une formation après le concours à l’issue du M2, professionnalisante et à l’université  :

Ce projet ambitieux répond, par la possibilité de pré-recrutements, à la précarisation des étudiant·es et à la nécessaire démocratisation des recrutements compte tenu de l’état des viviers de candidat·es. Il permet d’entrer plus tôt dans la carrière (élément non négligeable avec la réforme des retraites) et de sécuriser un parcours universitaire jusqu’au bac+5. Il évite le risque d’une formation professionnelle réduite à du mimétisme, du technicisme, des prétendues « bonnes pratiques » et l’écueil d’un parcours de formation qui limiterait la maîtrise disciplinaire au niveau d’une actuelle L3. Il garantit une haute qualification de nos métiers qui renforce l’unité du second degré avec des professeur·es en mesure d’exercer de la Sixième au post-bac du lycée.

Pour revaloriser pleinement le métier, le SNES-FSU continue de demander une véritable revalorisation salariale : un début de carrière à 2 fois le SMIC, la reconstruction des grilles et la révision de l’indemnité de résidence pour qu’elle prenne en compte la réalité du marché locatif. À terme, le SNES-FSU souhaite la mise en extinction du corps des certifié·es et CPE et leur intégration dans le corps des agrégé·es, l’agrégation revalorisée devenant l’unique niveau de recrutement.