Le gouvernement persiste dans sa volonté de généraliser le SNU et de le rendre à terme obligatoire. Par une communication intensive et fébrile, il cherche à imposer coûte que coûte son dispositif. Un entêtement très significatif de ses priorités et de son déni d’une jeunesse qui craque et voit son avenir s’assombrir.
Une montée en charge progressive depuis 2019
Le SNU a été lancé en 2019 avec comme objectif annoncé de « favoriser et valoriser toutes les formes d’engagement des jeunes qui témoignent de leur citoyenneté, de leur volonté de servir l’intérêt général et de leur attachement aux valeurs de la République afin de promouvoir une véritable culture de l’engagement » (instruction ministérielle du 30 octobre 2019).
Le SNU poursuit quatre objectifs principaux : « faire vivre les valeurs et principes républicains, renforcer la cohésion nationale, développer une culture de l’engagement et accompagner l’insertion sociale et professionnelle des jeunes ».
Destiné aux jeunes de 15 à 17 ans, le « parcours citoyen » du SNU est articulé autour de trois étapes :
– le séjour de cohésion. Il se déroule pendant 12 jours dans un territoire différent du lieu de résidence du jeune avec au programme, uniforme, lever des couleurs chaque matin, avec salut au drapeau et « la Marseillaise », ateliers sportifs et citoyens (valeurs de la République, les institutions, l’engagement…) encadré par des militaires, des associations et des éducatifs avec des règles de vie directement inspirées de la discipline militaire.
– La mission d’intérêt général (MIG) effectuée par le jeune auprès d’une structure de son choix (corps en uniforme, association, service public…) dans les 12 mois suivant le séjour de cohésion pour une durée de 12 jours ou 84 heures dans l’année.
– L’engagement volontaire, troisième étape, facultative qui peut être effectué de l’âge de 16 à 25 ans. Elle prend la forme d’un engagement civique ou militaire de trois mois à un an, réalisé dans des dispositifs existants (service civique, cadets de gendarmerie…) ou nouveaux proposés par des partenaires labellisés.
Le gouvernement a retenu le scénario d’un déploiement territorial progressif avec une généralisation prévue initialement pour 2024. En effet, la presse semble avoir interprété l’absence de référence au SNU dans la loi de programmation militaire, actuellement en discussion au Parlement, comme un renoncement. Rien n’est moins sûr. La secrétaire d’État à la jeunesse et au SNU relaie sans relâche les éléments de langage favorables à la généralisation du dispositif et a démenti tout ce qui allait dans le sens d’un abandon. Le président Macron , déclare, lui même, dans un entretien avec des lecteurs du journal « Le Parisien » (édition du 24 avril 2023) à la question faut-il rendre le SNU obligatoire pour une classe d’âge ? : “Il faut progressivement aller vers plus de territoires qui vont l’adopter (…). Il faut passer par la loi pour le rendre obligatoire (…). Je suis favorable à ce qu’on puisse avancer. Je pense qu’on ne peut pas le rendre obligatoire dans tout le pays du jour au lendemain ; c’est un défi logistique. Je ne vais pas vous dire que la rentrée prochaine le SNU sera obligatoire. C’est une question de montée en charge progressive. Quelques départements, puis un peu plus.“
Un dispositif d’inspiration militaire qui ne fait pas recette
En juin 2019, 1978 jeunes participaient à la phase de préfiguration de la première étape du SNU contre 5000 espérés. Les 30 000 volontaires attendus en 2020 se sont réduits à 2000. Pour 2021, 29 000 volontaires annoncés pour 14 700 à l’arrivée. En 2022, 32 000 jeunes participants étaient accueillis lors des séjours de cohésion qui ont eu lieu à différentes périodes de l’année (vacances scolaires de février, juin, et juillet) contre 50 000 attendus. L’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), mandaté pour évaluer le dispositif note une mixité sociale modérée mesurée à travers la catégorie socioprofessionnelle des parents et le parcours scolaire des jeunes. Les enfants d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise sont surreprésentés au contraire des enfants de pères ouvriers. La surreprésentation des enfants de « corps en uniforme » parmi les participants au SNU reste prégnante depuis 2019 (un tiers des participants). 4 % des participants vivent dans un quartier prioritaire de la ville, contre 8 % des jeunes de 15 à 17 ans. Cette sous-représentation tient en partie au fait que le SNU s’adresse exclusivement à des jeunes de nationalité française. La grande majorité des jeunes viennent de seconde générales et technologiques (78%). Les filières professionnelles (secondes professionnelles et CAP) sont fortement sous-représentées : seuls 11 % des participants au SNU, alors que 33 % des jeunes sont scolarisés dans ces niveaux (INJEP, notes de synthèse N°51 Octobre 2021 et N°63 Octobre 2022).
Le SNU ne fait pas recette chez les jeunes. Il cristallise des rejets face à un encadrement de caserne et une conception de l’engagement relevant d’un esprit cocardier. Les jeunes l’ont bien compris qui aspirent à autre chose qu’à un certificat de conformité et n’entendent pas se contenter de jeux de rôles bâclés dans des casernes improvisées.
Un dispositif censé répondre à tous les maux de la société
Le SNU est paré de toutes les vertus et présenté comme une réponse à tous les problèmes : laïcité, incivilités, violence, communautarisme… L’exemple du plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes qui fait une place de choix au SNU en est l’illustration. Aussi, le gouvernement ne renonce-t-il pas à l’objectif d’un service obligatoire sans lequel il sera impossible d’accéder à tout un pan de la vie sociale (permis de conduire, diplôme du baccalauréat). Si l’obligation semble repoussée à 2024, le gouvernement procède par étapes. Dernières trouvailles, valoriser la participation au SNU dans le dossier ParcourSup et la création d’un CV citoyen accordant une place importante au SNU.
Un passage en force pour sauver le soldat SNU
Depuis plusieurs mois, la campagne gouvernementale de communication s’intensifie : kits, affiches, tracts, vidéos sur les réseaux sociaux… Dans plusieurs académies, malgré un contexte de travail chamboulé par la réforme du lycée, les personnels de l’Éducation (professeurs principaux, CPE…) sont sollicité-es pour relayer auprès des jeunes concerné-es les informations. Dernière trouvaille en date, « la tournée Expérience SNU » (au goût de 5 millions d’euros), « village» itinérant autour d’un camion « mascotte » en 25 étapes couvrant la totalité des académies de métropole pour inciter la jeunesse à se porter volontaire. Les caisses d’allocations familiales sont mise également à contribution et envoient des messages promotionnels invitant à y inscrire ses enfants.
La pression est forte auprès des jeunes pour devenir « Ambassadeur » SNU, éléments de langage repris en boucle par plusieurs chefs de centre et préfets conformément aux consignes données par Jean-Marc Huart, Directeur général du ministère de l’éducation nationale, afin de porter la « bonne parole » auprès des jeunes.
Plus qu’un gadget, le service national universel (SNU) correspond à un véritable projet éducatif de domestication de la jeunesse. Retrouvez l’ensemble des analyses du SNES-FSU dans le dernier dossier de l’US Mag N° 38 consacré au SNU.
De dysfonctionnements en dysfonctionnements
Depuis le lancement en 2019, le dispositif n’a cessé de se fourvoyer, accumulant les dysfonctionnements. La presse quotidienne régionale se fait l’écho de nombreux incidents : à trois jours du départ, des affectation de jeunes dans les centres ne sont toujours pas connues ; le recrutement des animateurs, souvent étudiants, pour exercer les fonctions de tuteur de maisonnée (14 jeunes de 15 à 17 ans), ne fait pas le plein, et de nombreux candidats manquent à l’appel ; de nombreux problèmes de transport pour rejoindre ou quitter les centres avec des changements d’horaires à la dernière minute ; un centre situé dans un village de vacances fermé au bout de trois jours pour cause d’invasion de punaises de lit ; des incidents lors des séjours (malaises lors de cérémonies par une chaleur écrasante, explosion des contaminations COVID, propos racistes et LGBT-bashing, un fait de violence d’un encadrant sur un jeune suffisamment grave pour que l’encadrant se trouve en garde à vue et qu’une enquête soit ouverte pour agression sexuelle…), plus récemment, dans les Hautes-Alpes, 17 jeunes hospitalisés après un bivouac…
Un dispositif contraire à notre projet éducatif
Pour le SNES-FSU, le volontariat est un principe indissociable de tout engagement civique et politique. Deux semaines de SNU ne peuvent pas avoir un effet quelconque sur la cohésion sociale, alors que le travail de long terme de construction d’une culture commune démocratique pour la citoyenneté et l’émancipation est menée par les personnels tous les jours dans le cadre scolaire. La confusion intentionnelle entre éducation et formatage en dit long sur les choix idéologiques de ce gouvernement. La cohésion sociale ne s’obtient pas par la force et la contrainte, en mettant les jeunes au garde à vous.
Défendre les métiers de l’éducation
Le SNU porte une vision autoritaire qui dénature nos métiers. Son format est éloigné de nos pratiques où l’émancipation et l’épanouissement des élèves, l’éducation aux pratiques citoyennes et la formation au sens critique sont au cœur de notre travail. Le SNES-FSU s’oppose à toute dénaturation des métiers et restera vigilant sur les droits des personnels. Le SNES-FSU exige la suppression du SNU et l’utilisation du budget alloué au SNU (140 millions d’euros en 2023 soit 2400€ par volontaire) pour mettre en place des projets réellement éducatifs porteurs de sens.