Un nouveau programme de cycle 3 est en vigueur depuis la rentrée (sans heure de technologie dédiée suite à la suppression inadmissible de la technologie en Sixième).
Le SNES-FSU participera à la consultation de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et portera la voix de la profession lors du conseil supérieur de l’éducation qui examinera le projet de programme. Voici de premiers éléments d’analyse.
Une continuité remise en cause
Le cycle 4 est défini comme un cycle d’approfondissement. Or, la majorité des élèves n’aura pas eu d’enseignement de technologie en classe de Sixième et va découvrir la technologie à partir de la cinquième. Il y a donc nécessité d’un enseignement construit progressivement.
Les trois dimensions mal définies du projet programme
Ce projet programme privilégie l’étude des objets techniques comme les programmes actuels, mais les trois dimensions (socioculturelle, ingénierie, scientifique) ne sont pas clairement explicitées. Les objets ou systèmes seront uniquement étudiés sous le triptyque « énergie, matière et information », qui est spécifique de l’enseignement au lycée des sciences de l’ingénieur et non de l’enseignement de la technologie. La technologie au collège ne doit pas être un mini-enseignement technologique du lycée et ne doit pas être non plus un ensemble de spécialités et de méthodes venues des sciences de l’ingénieur (démarche de créativité, protocole de routage, calcul empreinte carbone …).
Ce projet de programme est très ambitieux, et d’autant plus en 1h30 de cours hebdomadaire
La technologie est une discipline d’enseignement général
La technologie au collège doit rester une discipline de formation générale qui doit permettre d’acquérir des outils de pensée et d’action.
Ce projet de programme est défini autour de 3 thèmes :
• Le thème « Les objets et les systèmes techniques : leurs usages et leurs interactions à découvrir et à analyser »
• Le thème « Structure, fonctionnement, comportement : des objets et des systèmes techniques à comprendre »
• Le thème « Création, conception, réalisation, innovations : des objets à concevoir et à réaliser »
Ces thèmes sont très proches de ceux du programme actuel.
– Design, innovation et créativité
– Les objets techniques et les changements induits
– La modélisation et la simulation d’objets techniques
– L’informatique et la programmation
Cependant, ce dernier thème, pourtant important pour comprendre le fonctionnement des objets techniques qui nous entourent, disparaît dans le préambule des thématiques du projet de programme du cycle 4. Les connaissances informatiques (nombreuses) restent dans le programme et leurs acquisitions se feront désormais à travers ces thématiques sans que ne soit détaillés les modalités et processus d’acquisition.
Le défi des habiletés manuelles dans l’enseignement de la technologie
Depuis 2008, la mise en cohérence des enseignements de technologie du cycle 3 aux CPGE, pour construire un véritable continuum de la formation technologique reste un échec. La centration sur des savoirs en textes qui écartent les applications et les savoirs d’action a conduit à une culture dépourvue d’engagement.
Les démarches pédagogiques sont les mêmes que celles de 2016 : les démarches d’investigation, de résolution de problèmes et de projets, tout en mettant l’accent sur « la créativité ».
Cependant, la démarche d’investigation, telle qu’elle est présentée, peut susciter des interrogations. Elle semble principalement conçue pour aborder des activités d’observation, ce qui peut nécessiter des connaissances approfondies sur les sujets, les contextes et les objectifs pour être correctement traitée. Par ailleurs, la partie du programme consacrée aux « objets connectés » peut sembler prédominante et presque donner l’impression d’une orientation vers les Sciences Numériques et Technologie (SNT) au lycée. Rappelons que la technologie ne se limite pas à cette dimension.
Il est important de maintenir un équilibre entre les différentes facettes de la technologie, en veillant à ce que les élèves acquièrent une compréhension globale de la discipline, tout en continuant à favoriser la créativité et l’innovation. La technologie englobe un large éventail de concepts et de compétences, allant au-delà des seuls objets connectés, et il est essentiel de les enseigner de manière équilibrée pour préparer les élèves à relever les défis technologiques actuels et futurs.
L’importance des cahiers des charges
la démarche de projet devrait occuper une place centrale dans ce projet de programme, et l’absence de notions de cahiers des charges est problématique. Cette omission peut être considérée comme une lacune, car les cahiers des charges jouent un rôle crucial dans la conception et la réalisation de projets technologiques.
Les cahiers des charges définissent les spécifications, les attentes et les contraintes d’un projet, ce qui permet aux élèves de structurer leur réflexion, de fixer des objectifs clairs et de suivre un processus méthodique. Ils favorisent également le développement de compétences essentielles telles que la planification, la communication et la gestion de projet.
Il serait donc souhaitable que le programme intègre davantage la démarche de projet et les notions de cahiers des charges, afin de mieux préparer les élèves à aborder les défis technologiques avec rigueur et efficacité. Cette approche contribuerait à renforcer leur compréhension de la technologie et à les préparer de manière plus complète aux exigences du monde moderne.
Le défi des compétences manuelles dans le nouveau programme : obstacles et opportunités
Ce projet de programme comprend une nouveauté : les habiletés manuelles peuvent être développées. Il sera donc important que les élèves acquièrent des gestes et des savoir-faire pour appréhender les objets du quotidien, tels que la fabrication, l’utilisation ou la réparation d’objets techniques, en utilisant des compétences manuelles et en ayant recours à des outils informatiques. Mais comment faire avec 30 élèves, sans moyen et sans formation ?
Par son caractère pratique et appliqué, la technologie et plus particulièrement l’apport de connaissances en technologie se fait préférentiellement via la manipulation et non par une présentation académique des connaissances. Le projet de programme spécifie que les élèves développent des habiletés manuelles (créer, réaliser, construire, installer, assembler, produire, mettre en œuvre, mesurer, vérifier, exécuter, mettre au point un prototype). Il est donc clair que les activités associées demandant de la manipulation regroupent des activités de montage, démontage, d’assemblage (par soudage, collage…), de fabrication (fraisage, perçage, pliage, moulage…).
Il devient donc impératif que les activités pratiques, qui exigent des équipements spécifiques et un espace de travail bien organisé, bénéficient également d’un ratio élèves-enseignant réduit (touchant ainsi à l’enveloppe horaires consacrée à la discipline). Se pose aussi la question de l’acquisition ou de la mise à jour d’équipements potentiellement coûteux, tels que les machines de découpe laser, les imprimantes 3D, ou les commandes numériques (CN).
La réponse à ces défis nécessite une réflexion approfondie sur la dotation en ressources et les investissements budgétaires. Il est crucial de garantir un accès adéquat à ces équipements, ce qui peut impliquer une allocation de ressources financières supplémentaires pour l’achat, la maintenance et la formation associés à la discipline technologie. Cette démarche vise à assurer que les élèves puissent bénéficier d’une éducation technologique de qualité, tout en permettant aux enseignants de mettre en œuvre un enseignement pratique et enrichissant.
On notera l’effort de lisibilité concernant les repères de progression avec une explicitation plus aboutie sur les attentes par niveau. La logique curriculaire des anciens programmes est abandonnée au profit d’un enseignement spiralaire.
Et les mathématiques ?
Dans la lettre de saisine, il est précisé que le programme devra inclure des compétences et des connaissances en mathématiques. Dans le préambule de présentation du programme de technologie, il y a effectivement une mention selon laquelle la technologie requiert l’utilisation de compétences mathématiques disciplinaires. Cependant, dans la rédaction finale, cette intégration est plutôt limitée. On ne retrouve pas de compétences disciplinaires en mathématiques, mais plutôt certaines compétences en technologie (quatre compétences) qui sont assez proches. Elles permettent d’établir un lien avec les mathématiques pour une pratique interdisciplinaire, notamment dans la partie liée à « l’Algorithme, la programmation et la gestion de données ». La technologie a en effet besoin d’outils mathématiques pour résoudre des problèmes techniques ou pour développer certaines technologies. Cependant, il est important de noter que ce lien n’est pas nécessairement univoque. Pourquoi le choix a été fait, dans ce programme, d’établir comme seul lien avec les mathématiques « la partie informatique » ?
Les prérequis manquants dans le nouveau programme
Ce projet de programme, au vu des compétences à acquérir, ne prend pas en compte les programmes du cycle 3 ni les prérequis qu’il faut pour être en mesure d’aborder ces compétences. La plupart des compétences de ce projet de programme et cela dès la cinquième, demandent déjà des connaissances avancées et une certaine abstraction pour les comprendre et pouvoir les travailler.